PSYCHOLOGIE SOCIALE - TEXTES

   

 

Cette recension de textes n’a pas servi directement en cours auprès des élèves mais  plutôt été utilisée auprès de mes collègues pour les convaincre de l’utilité de cette discipline.

Dossier psychologie socialeDossier psychologie sociale (308 Ko)

PS : J'ai retiré le document11 qui faisait référence à l'expérience de stanford de Zimbardo, expérience dont il a été démontré qu'elle ne respectait pas les standards des protocoles scientifiques

I) LES DIFFERENTES METHODES

A) La méthode d’observation

Document n° 1

L'observation est définie par Fischer (1997) comme une méthode de recueil et de codage d'informations pertinentes sur un ou plusieurs aspects de la réalité étudiée. Il existe plusieurs procédures d' observation.

  • L'observation directe

Il s'agit, pour le chercheur, de saisir sur le vif des faits significa­tifs, de les sélectionner tout en étant en contact direct avec des sujets se trouvant impliqués dans une situation sociale particulière. Le biais le plus souvent mentionné pour ce type d'observation est que les personnes concernées par l'étude modifient leurs réactions habituelles en présence des observateurs. Un des moyens, pour le chercheur, d'amoindrir ces inconvénients consiste à se fondre dans la vie collective du groupe en partageant ses activités, à effectuer une observation participante. Citons pour exemple la monographie de Lazarsfeld, Jahoda et Zeisel (1932) qui, pour appréhender les conséquences psychologiques et sociales du chômage, se sont intégrés avec leurs associés dans le village autri­chien de Marienthal en devenant moniteurs de sport, collecteurs de vêtements, professeurs de couture... Ils ont ainsi relevé tous les aspects de la réalité observée (habillement, adhésion à des asso­ciations, revenu familial, rédactions des enfants à l'école, inventaire des repas...), ce qui leur a permis d'établir une description de l'évo­lution sociale et psychologique des chômeurs de longue durée.

 

  • L'enquête psychosociale

Le type d'observation le plus répandu en psychologie sociale est l'enquête par questionnaire qui vise à saisir, de façon quantifiable, les comportements, opinions, attentes, motivations, changements perçus ou souhaités, influences ressenties... d'un groupe social déterminé. La mise en œuvre d'une telle méthode requiert le res­pect d'un certain nombre d'étapes (définition de l'objet, pré-enquête, formulation d'hypothèses...), la maîtrise, d'une part, des techniques de recueil des informations (questions fermées, à éven­tail de réponses, échelles d'attitudes...) et, d'autre part, des procé­dures de traitement statistique des données (tests statistiques, analyses factorielles...).

 

B) La méthode expérimentale

a. Particularités

À la différence de l'observation, la méthode expérimentale s'ap­puie sur une situation préalablement construite et organisée par le chercheur sur la base d'une ou plusieurs hypothèses qu'il souhaite vérifier. Son objectif est de provoquer des réactions qui peuvent, du fait de ce cadre maîtrisé et rigoureux, être contrôlées et analy­sées. Classiquement, la méthode expérimentale, lors de l'étude d'un phé­nomène social particulier, repose sur le schéma déterministe des relations de cause à effet. Pour cela, le chercheur manipule les modalités d'une ou de plusieurs variables qu'il sélectionne au départ — les variables indépendantes — et observe les comportements résultant de cette manipulation : les variables dépendantes.

On peut distinguer les expérimentations effectuées en laboratoire et les expérimentations réalisées en milieu naturel.

b L'expérimentation en laboratoire

Cette méthode permet au chercheur de circonscrire et de contrôler les variables d'une situation particulière. Citons, pour illustration, l'expérience princeps de Shérif (1935) sur l'influence sociale, plus spécifiquement sur la formation des normes sociales. L'objectif de cette expérience était de déterminer comment procèdent les indivi­dus en l'absence de tout repère habituel, c'est-à-dire dans une situa­tion ambiguë. Les sujets doivent, ici, estimer l'amplitude d'un point lumineux projeté à une certaine distance dans l'obscurité ; il n'existe pour cela aucun point de référence sur lequel ils pourraient s'ap­puyer. Dans un premier temps, les sujets doivent effectuer cette éva­luation individuellement puis, dans un second temps, Shérif les rassemble en petits groupes pour exécuter la même tâche. Donc la variable indépendante manipulée est la variable « isolement » et elle se décompose selon deux modalités : sujet isolé/sujet non isolé (en croupe). Les réponses (variables dépendantes) sont relativement dif­férentes les unes des autres lorsque les sujets répondent isolément. Elles convergent vers une norme commune lorsqu'ils peuvent confronter leurs points de vue .

c L'expérimentation en milieu naturel

À la différence de la précédente, cette méthode se centre sur des situations réelles tout en intégrant les conditions expérimentales fixées par le chercheur. À titre d'exemple, signalons les grandes lignes de l'expérience de Rosenthal et Jacobson 119681 sur la dis­crimination réalisée en milieu scolaire_ plus connue sous le nom « d'effet Pygmalion ». Les chercheurs ont choisi dans chaque classe 20 % d'élèves au hasard et ils ont fait croire aux instituteurs que ces enfants-là feraient preuve d'un probable épanouissement intel­lectuel pendant l'année. Aucune attente particulière n'a été men­tionnée pour les autres écoliers. Ainsi la variable « attente» est manipulée par les expérimentateurs (avec deux modalités : attentes positives et pas d'attentes à l'égard des élèves). À l'issue de l'année scolaire, il apparaît que les notes et appréciations (variable dépendante) données par les enseignants étaient net­tement meilleures pour les enfants pour lesquels les attentes étaient élevées que ceux pour lesquels on n'avait induit aucune attente par­ticulière.

C. Recherche active et intervention

La psychologie sociale ne se limite pas à l'analyse des phénomènes sociaux, elle doit s'inscrire dans une visée d'action pour les modi­fier. Selon Fischer (1997) l'intervention renvoie à «l'ensemble des démarches qui ont pour but de promouvoir le changement indivi­duel et social ». Ces méthodes sont essentiellement appliquées dans le cadre de situations professionnelles posant des problèmes parti­culiers (par exemple, l'insertion de personnes handicapées en entre­prise). Ces méthodes d'intervention sont issues de la conception lewin­nienne des rapports entre le sujet et son environnement en termes de champ (--+ dossier 16). Développée par Lewin, la recherche active, appelée aussi recherche-action, a pour visée de comprendre ce qui se passe dans un contexte donné afin d'améliorer les pra­tiques vécues ; elle implique la participation des membres du groupe concernés par cette quête. Pour Dubost (1987) il s'agit «d'une action délibérée visant Un changement dans le monde réel; engagée sur une échelle restreinte, englobée dans un projet plus général et se soumettant à certaines disciplines pour obtenir des effets de connaissances ou de sens ». D'autres formes d'interventions existent (voir Fischer, 1997),  telles que la méthode du changement planifié (mise en place de conduites de résolution de problèmes afin d'aider une organisation à s'adapter au changement) ou celle de formation par les groupes (le groupe prise de conscience de ce que l'on est utilisé comme un moyen de ce que l’on vit).

(M.P. Cazals-Ferré et P. Rossi : « Eléments de psychologie sociale » - Armand Colin – 2002)

 

 

II) PERCEPTION

Document n° 2 : L'expérience autocinétique (Shérif - 1935).

Dans une expérience datant de 1935, le psychologue Shérif montre comment un individu seul construit peu à peu une norme de perception. L'effet autocinétaique est un phénomène visuel qui se produit quand l'observateur n'a pas de cadtde référence; un point fixe peut sembler en mouvement; c'est un peu ce qu'on constate lorsqu'une étoile éloignée située dans un ciel noir semble se mouvoir parcequ'on n'a pas de point de référence stable.

Sherif a donc mis en place une expérience simple : un sujet doit observer un point lumineux situé dans une obscurité totale et décrire les mouvements qu'il observe. Durant les premières observations les écarts de variation perçus sont importants et à mesure qu'un sujet multiplie les observations ces écarts de variation se réduisent et se rapprochent d'un point perçu comme fixe, une norme; donc un individu isolé dans des conditions expérimentales tend à construire une norme; Shérif a ensuite cherché à intégrer les effets de groupe selon deux modalités différentes :

+ Des sujets qui ont subi individuellement la même expérience sont ensuite regroupés pour subir à nouveau le même type d'expériences. Dans ce cas, chaque individu a construit une norme différente au cours de la première observation. Cependant, au cours des expérimentations suivantes les appréciations de chaque individu se rapprochent vers une norme commune.

+ Dans la deuxième modalité : les premières observations sont faites d'emblée en groupe et la dernière évaluation est faite individuellement. Dans ce cas une norme de groupe s'établit assez vite et l'appréciatiori individuelle reste assez proche de cette norme.

Mais contrairement à ce qu'on pourrait penser cette norme de groupe ne correspond pas forcément à une moyenne des appréciations individuelles; elle peut être plus élevée ou plus faible que cette moyenne. Donc certains sujets expérimentés ont probablement une influence ou un poids supérieur aux autres. D'autres expériences montrent notamment que lorsque les individus sont de statut différent, les membres au statut le moins élevé (mesure)auraient tendance à converger vers la norme des membres à statut élevé.

Document n°3 : La fin du monde a eu lieu le 21 Décembre et personne ne s'en est aperçu.

Ces effets sont valables pour toutes les croyances et idées mais le problème se complique dans le domaine des croyances "sociales" du simple fait que nous nous y impliquons. Ainsi, apprendre que la baleine n'est pas un poisson mais un cétacé nous mettra dans la gêne d'avoir été ignorant mais finalement nous accepterons assez facilement notre erreur car elle ne nous remet pas profondément en cause. Il en va tout autrement avec d'autres croyances : un des exemples les plus classiques est celui de cette secte millénariste étudiée par le psychologue Feistinger. Dans les années 50 des collaborateurs de Feistinger s'introduisirent dans un groupe de personnes mené par madame Keech, laquelle aurait reçu un message d'extra-terrestres annonçant un déluge sur le continent nord-américain pour le 21 Décembre. Le groupe se réunissait régulièrement pour interpréter les messages reçus et bien sûr il le fit le soir du 20 Décembre dans l'attente du cataclysme. Dans les premières heures du 21 Décembre Madame Keech annonça que celui-ci n'aurait pas lieu car les membres du groupe, par leur comportement, ont permis au monde d'échapper à la destruction. On voit ici que le fait qu'il n'y a pas eu de fin de monde a non seulement été inopérant dans la remise en cause de la croyance mais l'aurait plutôt renforcée : "S'il n'y a pas eu de fin de monde, c'est grâce à notre action, donc nous avions raison!". On pourrait dédaigner cette anecdote en considérant qu' elle ne concerne que quelques illuminés, mais en réalité il s'agit d'un exemple caricatural d'un comportement fréquent. Ainsi, dans le cadre de la "rumeur d'Orléans" où on accusait certains commerçants d'enlever des jeunes filles, le fait qu'il n' y ait eu aucune disparition signalée et aucune plainte auprès de la police ne dissuadait pas les gens de leur croyance mais les persuadait au contraire que cette affaire impliquait des gens suffisamment importants pour qu'on cherche à l'étouffer. (Th. Rogel : « Introduction impertinente à  la sociologie- Liris – 2004)                                                  

Document n° 4 : Applications médicales

Nombreuses sont les circonstances qui confrontent une personne avec des états corporels bizarres qu'elle ne sait pas interpréter, et qui par là même deviennent anxiogènes, ce qui augmente encore l'effet perturbateur de ces situations. Comment briser ce cercle? Une stratégie qui semble s'imposer est de donner une explication à ces états. Des tentatives expérimentales dans ce sens ont été faites. L'une, effectuée par Storms et Nisbett (1970), portait sur l'insomnie. Ces chercheurs retiennent de l'expérience de Schachter et Singer que les sujets informés des effets d'une injection se laissent moins influencer par la situation que ceux qui n'ont eu qu'un placebo. Il ne s'agissait que d'une tendance non significative mais elle pourrait selon Storms et Nisbett résulter d'un effet de surcompensation chez les sujets informés : ceux-ci attribueraient à l'injection, non seulement l'effet de l'épiphrénine mais égale­ment l'activation produite par la situation. Les sujets correctement informés devien­draient par là même moins émotifs que des sujets exposés seulement aux effets de la situation « euphorique » ou « irritante ». Comme l'insomnie résulterait d'un état d'activation que l'individu n'arrive pas à expliquer, l'effet de cet état diminuerait s'il recevait une explication satisfaisante. Storms et Nisbett donnent une telle expli­cation à une partie de leurs sujets insomniaques en leur demandant de prendre une pilule avant de se coucher (en fait un placebo) qui apparemment devrait accélérer leur rythme cardiaque, augmenter leur température et intensifier leur activité onirique dont l'étude est le prétexte de l'expérience. A une autre partie des sujets insomniaques, un calmant (toujours un placebo) est prescrit. En réalité, les expérimentateurs ont donné dans la première condition une explication plausible pour l'insomnie qui attend les sujets les soirs de l'expérience, tandis que les sujets de l'autre condition comptaient au contraire sur un état somnolent. Dans une troisième condition, les sujets ne devaient rien prendre afin de comparer leurs rêves à ceux des sujets expérimentaux. La variable dépendante était la différence entre le temps qu'il fallait aux sujets avant de s'endormir les soirs où ils devaient prendre la pilule et le temps qu'il leur fallait les autres soirs. A partir des théories courantes sur le placebo et la suggesti­bilité, les sujets ayant absorbé une pilule calmante devraient s'endormir plus vite que les sujets ayant absorbé une pilule stimulante. Mais d'après le raisonnement des auteurs, basé sur la théorie de Schachter, l'inverse devait se produire. Ce sont en effet les sujets qui pensaient avoir pris une pilule stimulante qui se sont endormis plus vite que d'habitude, tandis que les sujets qui s'attendaient à être plus calmes s'endor­maient en moyenne un quart d'heure plus tard que les autres jours. Pour les sujets de la condition contrôle, il n'y avait pas de différence entre les jours de l'expérience (Doise, Mugny, Petit : « Psychologie sociale expérimentale- Armand Colin – 1978)

Document n°5 

L'auto-réalisation de la prophétie lors de prises de contact peut encore prendre des formes plus perverses. Aux États-Unis, les obè­ses sont considérés comme irritables et de commerce peu agréable. Snyder et Hauged ont mis en scène des interviews dans lesquelles les deux partenaires ne se voient pas — ils communiquent par télé­phone — et l'on fait croire à l'un d'eux, disons l'intervieweur, que l'autre, l'interviewée, est une obèse. Les buts de l'interview varient selon la condition expérimentale. Dans une condition, les chercheurs instruisent l'intervieweur que le but de la conversation est de ras­sembler le plus d'informations possible concernant la partenaire de manière à bien la connaître. Dans une autre condition, au contraire, il s'agit de conduire la conversation la plus agréable possible. On donne une photo de l'interviewée à l'intervieweur et dans la moitié des cas il croit avoir affaire à une personnè de poids normal tandis que dans l'autre moitié la partenaire est nettement obèse. S'il y a auto-réalisation de la prophétie, ou confirmation de l'attente néga­tive, l'intervieweur devrait trouver la personne prétendument obès particulièrement antipathique et des observateurs extéri, 3 devraient juger la conversation plus désagréable dans ce cas que dans celui de l'interviewée de poids normal. La confirmation de l'attente négative se réalise lorsque l'intervieweur a pour consigne d'apprendre à connaître l'autre personne. Dans cette condition, la prétendue personne obèse donne lieu à un entretien plus déplaisant qu'une interviewée de poids normal (J.C. Croizet – J. Ph. Leyens : « Mauvaises réputations – réalités et enjeu de la stigmatisation sociale » - Armand Colin – 2003)

Document n° 6

Après vingt ou trente expériences, je pouvais enfin taire une pause : j'allais donc m'asseoir sur une des deux chaises pliantes. Elle s'écroula sous mon poids. Entendant le bruit, Ames sortit pour voir si tout allait bien. Il resta alors avec moi et me montra les deux expériences suivantes. La première mettait en jeu la parallaxe. Sur une table d'un mètre cinquante environ étaient disposés deux objets : un paquet de ciga­rettes Lucky Strike planté quelques centimètres au-dessus de la table sur une petite pointe et, à l'autre extrémité de la table, une pochette d'allumettes également plantée sur une courte pointe. Ames m'invita à me tenir debout devant la table et à décrire ce que je voyais, c'est-à-dire à localiser les deux objets et à estimer leur taille respective. (Dans les expériences d'Ames, on doit toujours examiner la réalité avant d'être soumis à une illusion d'optique.) Ames me montra alors une planche percée d'un trou rond et fixée verticalement sur le bord de la table. Il me demanda de regarder par le trou et de lui dire ce que je voyais. Bien entendu, les objets avaient toujours l'air d'être à la même place et d'avoir la taille normale que je leur connaissais. En regardant par le trou, je ne pouvais voir que d'un oeil et je perdais donc ma vision de lynx. Ames me dit alors que je pouvais retrouver l'effet de parallaxe sur les objets en faisant glisser la planche le long du bord de la table. Au fur et à mesure que je déplaçais latéralement mes yeux en même temps que la planche, l'image changeait du tout au tout, comme par enchantement. Le paquet de Lucky Strike se trouvait maintenant à l'autre extrémité de la table et paraissait deux fois plus haut et plus large qu'un paquet normal. Même la surface du paquet avait changé de texture : les petites irrégularités du papier semblaient plus grandes. La pochette d'allumettes, quant à elle, donnait l'impres­sion d'être une pochette pour nain et de se trouver à mi-chemin de la longueur de la table, là où semblait être initialement le paquet de cigarette.  Que s'était-il passé? L'explication était toute simple. Cachés sous la table se trouvaient deux leviers qui déplaçaient les objets transversalement dès qu'on faisait glisser la planche. Il est bien connu qu'avec une parallaxe normale, quand on regarde par la fenêtre d'un train en marche, les objets proches semblent défiler à grande vitesse. Les vaches qui se trouvent le long de la voie ferrée passent trop vite pour qu'on puisse bien les distinguer; en revanche, les montagnes lointaines vont si lentement qu'elles ont presque l'air, contrairement aux vaches, de voyager avec le train. Dans cette expérience, les leviers placés sous la table avaient donc déplacé l'objet le plus proche en même temps que l'observateur : le paquet de cigarettes s'était comporté comme s'il était situé au loin et la pochette d'allumettes comme si elle avait été tout près. Autrement dit, en faisant glisser mon regard avec la planche, je renversais les apparences. Soumis à ces circonstances-là, les processus inconscients de formation de l'image créaient ce qui était pour eux l'image appropriée. Les informations venant du paquet de cigarettes étaient reçues et organisées pour donner l'image d'un paquet éloigné, mais la hauteur du paquet sous-tendait toujours le même arc sur la rétine : ce qui explique pourquoi le paquet avait paru géant. Inverse­ment la pochette d'allumettes avait été apparemment mise tout près mais continuait de sous-tendre le même arc qu'au départ, si bien que l'image que je créais en moi était celle d'une pochette d'allumettes qui semblait deux fois moins éloignée et deux fois plus petite que sa taille normale. (G. Bateson : « La nature et la pensée » - Seuil)

Document n° 7

On a appelé cette expérience la chambre trapézoïdale. Ames m'a d'abord prié d'examiner une grande boîte d'environ un mètre cin­quante de large et d'un peu moins d'un mètre de haut et de profondeur. La boîte avait une forme curieusement trapézoïdale; Ames me demanda de l'examiner soigneusement afin d'en bien connaître la forme et les dimensions véritables. Sur l'avant de la boîte avait été pratiqué un orifice assez grand pour les deux yeux, mais, avant de commencer l'expérience, Ames me fit mettre une paire de lunettes prismatiques pour tromper ma vision binoculaire normale. Je devais ainsi avoir en moi la présupposition subjective de disposer de la parallaxe des deux yeux alors qu'en réalité je n'avais pratiquement aucune indication binoculaire. Vue par l'orifice, la boîte donnait l'impression d'être parfaitement rectangulaire et représentait l'intérieur d'une chambre comportant des fenêtres rectangulaires. Les traits de couleur dessinant les fenêtres étaient évidemment loin d'être simples; ils avaient été tracés pour donner une impression de rectangularité contredisant la forme trapé­zoïdale réelle de la chambre. Je savais, pour l'avoir inspecté aupara­vant, que le côté situé en face de l'orifice était placé obliquement, de sorte qu'il était plus proche de moi vers la droite que vers la gauche. Ames me donna un bâton et me demanda d'atteindre, puis de toucher une feuille de papier pour machine à écrire épinglée sur le « mur » gauche. J'y parvins assez facilement. Ames demanda alors : « Voyez-vous une feuille de papier semblable du côté droit? Je voudrais que vous la touchiez avec le bâton. Mettez d'abord l'extré­mité du bâton sur le papier de gauche, puis déplacez-le vers celui de droite, en frappant aussi fort que possible. » Je frappai très fort. L'extrémité de mon bâton bougea librement de deux centimètres environ, puis heurta le mur du fond et ne put aller plus loin. Ames dit alors : « Essayez à nouveau. » Je recommençai peut-être cinquante fois, jusqu'à en avoir mal au bras. Je savais pertinemment la correction que je devais apporter au mouvement : je devais ramener le bâton vers moi en frappant, afin d'éviter le mur du fond. Mais ce que je faisais en réalité était guidé par mon image. J'essayais d'agir contre un mouvement spontané. (Je suppose que c'eût été beaucoup plus facile les yeux fermés, mais je n'ai pas essayé). Je ne parvins pas à toucher une seule fois le second morceau de papier, mais j'améliorai mon geste de façon intéressante : j'arrivai finalement à déplacer mon bâton sur une distance plus grande avant d'aller heurter le mur du fond. Au fur et à mesure que je m'exerçais et que j'améliorais mes résultats, l'image changeait et donnait de plus en plus l'impression d'une forme trapézoïdale (G. Bateson : « La nature et la pensée » - Seuil)

 

III) ENGAGEMENTS

Document n° 8 : La fleur à la boutonnière.

Joule et Beauvois (dans "traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens") développent le rôle de l'influence à travers la théorie de " l'engagement". D'après cette thèse un individu s'engagera dans un acte d'autant plus facilement qu'il s'était précédemment engagé dans un autre acte. Cet effet avait déjà été mis en évidence par Merton (... ); l'expérience se déroulait en deux temps:

+ Dans un premier temps on demandait, en faisant du porte-à-porte, une participation pour une oeuvre humanitaire.

+ Puis, dans un deuxième temps, les expérimentateurs ont demandé, auprès d'autres groupes, de porter une fleur à la boutonnière au cours d'une journée en faveur de cette oeuvre.

Peu de personnes ont refusé cet engagement peu coûteux. Quelques jours après, d'autres expérimentateurs sont passés voir ces mêmes personnes pour une contribution financière à cette oeuvre humanitaire. Les sujets de l'expérimentation se sentant plus impliqués, le résultat fut beaucoup plus efficace que lors d'une quête traditionnelle. C'est la technique même de ce chue Joule et Beauvois nomment la "technique du pied dans la porte": s'engager dans un acte peu coûteux accroit la probabilité de s'engager ultérieurement dans un acte plus coûteux. La deuxième technique, "la porte au nez", suit le cheminement inverse: refuser de s'engager dans un acte jugé trop coûteux accroit la probabilité d'accepter ultérieurement un acte beaucoup moins coûteux.

Document n°9

Pour examiner ce phénomène, partons de situations de la vie quotidienne : vous êtes dans le train ; au bout d'un certain temps, la personne assise près de vous se lève et vous dit : « Pourriez-vous me garder les affaires le temps que j'aille au wagon-restaurant ? » Une expérience de ce type a été réalisée de la manière suivante : un expérimentateur s'installe avec ses affaires sur une plage ; il a un transistor qu'il place sur sa serviette de plage et, au bout d'un certain temps, il se lève en laissant ses affaires, mais avant de partir, il s'adresse à une personne près de lui, dans deux conditions expérimentales distinctes ; dans un cas, il lui dit : « Excusez-moi, je dois m'absenter quelques minutes, pourriez-vous sur­veiller mes affaires ? »; dans l'autre cas, il dit : « Excusez-moi, je suis seul, je n'ai pas d'allumettes, auriez-vous l'amabilité de me donner du feu ? » Une fois que l'expérimentateur s'est éloigné, un compère arrive, se dirige vers la place où se trouvent ses affaires et vole le transistor ;comment vont réagir les gens autour ? Les résultats ont montré que, dans le cas où l'expérimentateur a fait sa demande dans les termes : « Excusez-moi, je dois m'absenter quelques minutes, pourriez-vous surveiller mes affaires ? », 95 % sont intervenus pour arrêter le voleur ; en revanche, dans l'autre cas, seulement 20 % ont réagi. Nous constatons donc que c'est dans des situations où les gens ont accédé librement à une demande qui leur était faite, alors qu'il s'agissait bien d'une influence exercée sur eux, qu'ils sont le plus nombreux à intervenir lorsque le compère vole le transistor. Les recherches dans ce domaine existent depuis environ trente ans aux États-Unis ; elles ont dégagé trois types de techniques de manipulations : — La première est appelée « le pied dans la porte » ; il s'agit d'une stratégie que nous connaissons tous pour l'avoir plus ou moins subie dans la vie quotidienne de la part de vendeurs ou de divers démarcheurs à domicile ; elle consiste à vous demander une petite faveur dans un premier temps pour, dans un deuxième temps, vous amener à accepter uni requête beaucoup plus importante. Une des toutes premières expériences basées sur cette tech­nique a été réalisée par Freedman et Frasers (1966); il s'agissait dans un premier temps d'obtenir de la part de ménagères qu'elles acceptent de participer à une campagne pour la prévention automobile et ceci soit en collant une vignette sur une fenêtre de leur maison, soit en signant une pétition en faveur de cette campagne ; elles acceptèrent faci­lement cette petite faveur qui leur était demandée. L'expé­rience comportait un groupe de contrôle et plusieurs groupes expérimentaux ; au bout de deux semaines, quelqu'un se pré- - sente à nouveau chez elles pour obtenir cette fois-ci une faveur beaucoup plus importante: on leur demandait d'ac­cepter de placer sur leur pelouse, à l'avant de leur propriété, un panneau assez laid sur lequel était inscrit : « conduisez prudemment »; le groupe-contrôle avait seulement été solli­cité dans la deuxième phase de I 'expérience. Les résultats ont révélé que les ménagères ayant d'abord accepté de répondre favorablement à la petite faveur ont été celles qui ont été les plus nombreuses à accepter la deuxième requête, puisque le taux d'acceptation était de 76 %; en revanche, seulement 16 % des ménagères du groupe-contrôle ont accepté de placer le panneau d'affichage dans leur jardin. Cette technique du pied dans la porte montre que lorsque quelqu'un accepte de faire un geste peu coûteux, au départ, à l'égard de quelqu'un qui le lui demande, il aura tendance ultérieurement à accepter plus facilement une demande plus importante et plus exigeante. De tels résultats permettent également de vérifier que, dans ce cas, les gens ne s'avèrent pas plus généreux que d'autres, en participant à telle ou telle campagne de bienfaisance, mais ils sont généreux parce qu'ils ont été au préalable mis dans une situation où ils ont manifesté une générosité peu coûteuse et si peu coûteuse d'ailleurs que le fait de refuser une deuxième sollicitation plus coûteuse leur paraîtrait impensable, car elle s'oppose­rait alors à la perception et au sentiment qu'ils ont d'eux-mêmes en tant qu'êtres généreux.

— La deuxième technique est appelée « la porte au nez »; à la différence de la précédente, il s'agit de faire d'abord une demande exagérée qui, la plupart du temps, est refusée afin que les sujets acceptent ultérieurement une demande moins exigeante. Les expériences montrent que les sujets pris dans ce type de situation acceptent dans leur majorité la requête moins importante qui leur est faite.

— La troisième technique est celle de « l'amorçage » ; il s'agit d'amener quelqu'un à accepter une proposition en l'at­tirant par des subterfuges divers, en lui faisant par exemple miroiter les avantages de sa décision. L'idée de base, ici, est de lancer en quelque sorte un appât en direction de ceux auprès de qui on veut obtenir quelque chose, cet appât constituant à des titres divers une manière de cacher la vérité. Une expérience réalisée par Joule et Beauvois (1987) illustre cette technique; il s'agissait d'obtenir de la part de fumeurs qu'ils acceptent de se priver de l'usage du tabac; dans un premier temps, on a demandé aux étudiants partici­pant à l'expérience de bien vouloir remplir un questionnaire et on les a informés qu'ils obtiendraient 50 francs pour leur participation à l'expérience. Quelques jours plus tard, les étudiants furent contactés par téléphone pour un rendez-vous le lendemain ; ils apprirent alors qu'on leur demandait de se priver de fumer pendant les dix-huit prochaines heures et qu'ils seraient moins bien payés que ce qui avait été prévu (30 francs). Les résultats montrent que 95,2 % acceptèrent cette demande et 90,5 % se privèrent effectivement de fumer pendant les dix-huit heures demandées.

Ces trois techniques reposent toutes sur un principe de base appelé « la soumission librement consentie », c'est-à-dire le fait qu'on peut influencer quelqu'un sans exercer de pression sur lui. (G.N. Fischer : « La psychologie sociale » - Seuil – 1997)

Document n° 10 : La polarisation des opinions et des décisions

Alors que la plupart des études sur les décisions de groupe s'accordaient à penser que les membres d'un groupe tendaient au conformisme et à rejeter toute opinion contraire à l'opinion de la majorité, Stoner, en 1961, soutenait un point de vue opposé (dans un mémoire qui montrait que les groupes sont plus enclins à proposer des solutions risquées que ne le sont habituellement les individus). Depuis, une série de recherches effectuées sur la polarisation ont confirmé ces résultats. Les premières expérimentations, concernaient des dilemmes dits de prise de risque soumis à des individus puis à des groupes. Les expériences effectuées sur la prise de risque se déroulaient de la manière suivante : Quatre ou cinq sujets sont invités à s'asseoir autour d'une table et à répondre individuellement à un questionnaire. Quand tous les sujets ont terminé cette première phase, l'expérimentateur leur donne une deuxième copie du même questionnaire et leur demande de discuter en groupe chaque problème posé pour arriver à une décision unanime, c'est-à-dire à un consensus. Après cette deuxième phase, les sujets sont invités à répondre encore une fois individuellement à une troisième copie du questionnaire. Les questionnaires sont composés de douze dilemmes. Dans chacun d'eux, un personnage se trouve devant un choix entre un terme d'une alternative sûre mais relativement peu attrayant, et un terme davantage attrayant mais comportant un risque d'échec. Les sujets doivent indiqueià. partir de quelle probabilité de succès ils conseilleraient au protagoniste du récit de choisir le terme le plus attrayant et le plus risqué. Prenons l'exemple d'un des douze sujets de ce questionnaire. "Henry est un écrivain considéré comme ayant du talent mais qui a préféré faire de l'argent en écrivant de mauvais polars. Récemment, il a eu l'idée d'écrire un essai potentiellement très intéressant. Si cet essai a du succès, sa carrière estfa-ite, si c'est un échec, il risquera de rester longtemps sans aucune rémunération. Henry devrait écrire son essai si ses chances sont au moins de :

- une chance sur dix que l'essai ait du succès,

- deux chances sur dix que l'essai ait du succès,

- trois chances sur dix que l'essai ait du succès, etc."

Les résultats montrent que le groupe prend plus de risques que la moyenne des propositions individuelles des participants, et que ces derniers font des choix individuels plus risqués, après avoir participé au groupe. La polarisation dépend du niveau initial de la position Mais le phénomène observé n'était pas aussi général qu'on avait pu le penser. On observe ainsi que les dilemmes dont les réponses individuelles sont audacieuses sont crédités d'un accroissement de la prise de risque en groupe, alors que les dilemmes pour lesquels les réponses individuelles sont prudentes sont créditées au contraire d'une plus grande prudence en groupe.

La figure 1 suivante (d'après Myers, 1982, p. 128) montre clairement ce phénomène

Moyenne des prises de risque individuelles

On observe sur ce graphique que la moyenne des modifications de prise de risque en groupe pour un dilemme donné est une fonction linéaire de la moyenne du degré initial de prise de risque individuelle. En d'autres termes, moins on prend de risque initialement (huit chances sur dix), plus la prise de risque du groupe tend vers la prudence. Plus on prend de risque initiale­ment (quatre à cinq chances sur dix) plus la prise' de risque du groupe tend vers l'audace. Ce même phénomène est retrouvé dans de nombreuses tâches (expression d'opinion, décision de jurys, etc.). Ainsi on constate que la tendance des réponses individuelles initiales d'un groupe de sujets tend à être extrémisée dans un sens ou dans l'autre par le groupe. Ce sont, autre­ment dit, les tendances déjà exprimées par les individus qui sont dévelop­pées par le groupe. "Les tendances ont des valeurs sociales : il y a des valeurs partagées et implicites, et ce sont elles qui sont mises au jour, rehaussées afin d'accroître les chances d'un accord. On ne tend pas vers n'importe quel extrême, mafs vers celui qui semble virtuel. En preuve, les hommes ensemble ne devien­nent pas ceci ou cela, violents ou peureux, audacieux ou timorés ; ils deviennent seulement plus ceci ou cela, plus hardis ou plus intolérants, etc." (Moscovici et Doise, 1992). Ainsi la polarisation mise en évidence par Moscovici et Zavaloni (1969) n'est donc pas un simple phénomène de prise de risque.

La force de la polarisation   

On observe dans différentes expérimentations portant sur la prise de décision en groupe que les décisions sont d'autant plus polarisées que :

- le groupe est composé d'individus dont les opinions s'écartent le plus les unes des autres avant le début de la décision ;

- l'engagement individuel des membres du groupe est important ;

- la discussion est importante entre les membres du groupe ;

- les membres du groupe sont nombreux ;

- le degré de cohésion entre les membres du groupe est faible ;

- le groupe se situe par rapport à un groupe rival.

Ainsi il apparaît que les tensions, divergences et conflits augmentent la discussion et l'engagement des

participants. Et cet accroissement de participation amplifie les idées et les croyances, polarise la décision et instaure de nouvelles normes de groupe qui influent à leur tour sur les positions que les membres du groupe prennent individuellement après la réunion.

Le contrôle de la polarisation

Les expérimentations tendent à montrer que la polarisation des décisions d'un groupe n'est pas la conséquence de l'influence d'un membre plus puissant et plus extrémiste que les autres. D'autre part la mise en place d'une structuration du travail, d'un ordre du jour, de définitions des procé­dures, de plans d'action et l'usage du vote sans discussion amènent les groupes à tendre vers le compromis. Ainsi le leader d'un groupe dispose de I moyens susceptibles d'amplifier ou de contrôler le phénomène de polarisa­tion à travers ses invitations à structurer ou non le travail du groupe.

La théorie de la polarisation

De nombreux modèles explicatifs ont été proposés pour rendre compte de ce phénomène. On a par exemple souligné l'effet de dilution des responsa­bilités en groupe et l'influence d'individus ou d'une majorité extrémiste comme hypothèses explicatives. Le modèle proposé par Moscovici et Doise (op. cit.) semble mieux rendre compte du phénomène en adaptant les travaux de Tajfel. Pour ces auteurs, les participants à une discussion sur un problème controversé s'exposent aux opinions des autres et s'aperçoivent que toutes ces opinions appartiennent à un même groupe. Cette découverte renforce leur identification mutuelle comme chez des inconnus qui décou­vriraient en parlant qu'ils ont fréquenté la même école, ont des amitiés communes ou partagent la même foi. Elle accroît leur penchant à insister sur ce qu'ils ont de semblable, à afficher et à accentuer les traits de la caté­gorie qui les réunit. Mais, au cours de ce mouvement qui les rapproche, les participants intensifient ce qui les distingue dans la dynamique de la discus­sion qui se nourrit des positions conflictuelles. Les jugements du groupe sont alors perçus par ses membres comme plus typiques, donc plus extrêmes qu'ils ne le sont réellement. Et ses positions sur un problème sont, elles aussi, perçues comme plus extrêmes ou catégoriques. Dès Les participants à la décision, du moment où ils s’identifient à elle, adoptente ces positions et se mettent d’ccord sur celles qui sont proches de l’extrême. (A Blanchet – A. Trognon : « La psychologie des groupes » - Nathan 128 – 1994)

Document n° 11

(Haney, Banks et Zimbardo, 1973). (G.N. Fischer : « La psychologie sociale » - Seuil – 1997)

 

Document 12 : Merton et la réinterprétation des recherches sur le « soldat américain »

Les travaux de Merton (1957, 1965) sur le groupe de référence trouvent leur origine dans les résultats des travaux effectués pendant la seconde guerre mondiale par le service de recherche de la Division Information et Éducation du ministère de la Guerre aux États-Unis et concernant les attitudes, sentiments et comportements de très nombreux militaires. Les résultats de cette grande enquête ont été publiés dans les deux volumes de The American Soldier (Stouffer, Suchman, de Vinney, Star et Williams, 1949 et Stouffer, A. Lumsdaine, M. Lumsdaine, Williams, Smith, Janis, Star et Cottrell, 1949). Nous étudierons deux aspects du travail de Merton qui, bien qu'étroitement liés, seront dissociés ici pour la clarté de l'exposé : le groupe de référence et la frustration relative, et le groupe de référence et la mobilité sociale. Parmi les résultats auxquels a abouti cette enquête, l'un des plus importants concerne la privation qu'implique le service militaire; l'attitude des soldats face à cette situation, et les jugements qu'elle leur suggère tenaient moins à la privation réelle ou « objective » subie qu'aux types de critères de comparaison pris en compte pour évaluer leur propre condition. Par exemple, près de la moitié des soldats mariés avaient le sentiment qu'ils n'auraient pas dû être engagés alors que 10 % seulement des soldats célibataires le pensaient; les soldats noirs issus du Sud des États-Unis avaient une attitude vis-à-vis de leur expérience militaire plus favorable que les soldats noirs du Nord; plus les chances de promotion étaient faibles dans une unité, plus les opinions vis-à-vis de cette promotion étaient favorables. Merton et Kitt expliquent ces résultats par la notion de « frustration relative » qui n'était pas utilisée explicitement par Stouffer et al. (1949) : les soldats mariés avaient ce sentiment d'injustice car comparés aux soldats célibataires, ils avaient l'impression de faire un plus grand sacrifice, et, par ailleurs beaucoup de leurs amis mariés étaient restés civils, échappant ainsi à la séparation; les Noirs originaires du Sud se sentaient moins privés par la vie à l'armée parce qu'ils évaluaient leur condition par rapport à la situation défavorable des Noirs civils dans le Sud, alors que les soldats noirs du Nord se comparaient aux Noirs civils du Nord dont les conditions de vie étaient plus favorables; lorsque les chances de promotion sont fortes, les soldats qui n'ont pas été promus se comparent à ceux qui ont été promus et se sentent frustrés. En fait, pour Merton, la frustration relative est donc un aspect particulier du fonctionnement des groupes de référence : un individu prend certains groupes ou catégories comme cadre de référence de ses attitudes, sentiments et comportements. Une étude présentée dans Le Soldat américain portait sur trois groupes de recrues du contingent et cherchait à savoir quels étaient les soldats qui avaient le plus de chance de recevoir de l'avancement. Les décisions des officiers, en ce qui concerne les promotions, n'étaient pas basées sur les résultats obtenus par les soldats à des tests de capacités. On s'aperçut, comme l'hypothèse en avait été avancée (Stouffer et al., 1949, I, 259) que conformité et mobilité sociale étaient liées': « un facteur qui ne pouvait pas manquer d'influer dans une certaine mesure dans le jugement d'un officier sélectionnant un homme en vue de son avancement, était la conformité de celui-ci aux normes militaires officiellement reconnues ». Les résultats de cette étude longitudinale montrent en effet que les soldats dont les attitudes expriment l'adhésion aux normes militaires recoivent ultérieurement plus d'avancement que les autres. Par exemple, 19 % des soldats qui, en septembre 1943, ne trouvaient pas la discipline militaire trop stricte avaient été promus sous-officier en janvier 1944, alors que 12 % seulement des autres avaient reçu le même avancement à la même date. En ordonnant les soldats sur une quasi-échelle d'attitude de conformité, on constatait de la même façon « que les hommes dont les attitude étaient les plus conformistes étaient ceux qui avaient le plus de chance de recevoir de l'avancement » (Stouffer et al., 1949, I, 263). Merton et Kitt (1950, 1965, 472) notent que, « dans cette étude, la conformité se réfère, non aux normes du groupe élémentaire immédiat constitué par les recrues, mais aux normes, bien différentes, des moeurs militaires officiellement reconnues... les attitudes de conformité aux moeurs officielles peuvent être décrites comme une orien­tation positive à l'égard des normes d'un groupe de non-appartenance pris comme cadre de référence ». Dans cette recherche, les comportements et attitudes décrites comme conformistes ne renvoient donc pas à la conformité aux normes de son groupe d'appartenance; de plus, les normes des groupes de recrues étaient parfois opposées aux normes officielles de l'armée et à celle des groupes de gradés. (W. Doise, J.C. Deschamps, G. Mugny : « psychologie sociale expérimentale » – 1978 -Armand Colin)

 

ATTRIBUTIONS

Document n°13

Dans une autre perspective, on considère le processus d'attribution selon l'appartenance de l'observateur et de l'acteur à des groupes ou des catégories sociales différents ; dans ce cas, on étudie les caractéristiques sociales de l'attri­bution; dans le cadre de relations entre groupes sociaux dif­férents, on a ainsi montré le lien entre des attitudes racistes et l'attribution. Au cours d'une expérience, on a présenté à des étudiants blancs un film qui montrait un Blanc et un Noir au cours d'une interaction où l'on voit des scènes dans lesquelles les deux protagonistes s'opposent jusqu'à ce que l'un bouscule l'autre ; après la projection, on a demandé aux étudiants de décrire le comportement du Noir et du Blanc (Duncan, 1976). Deux résultats intéressants ont été dégagés : tout d'abord, quand on demande aux étudiants d'évaluer un méme corn= portement, par exemple, l'agressivité chez le Noir et le Blanc, ils considèrent que ce comportement est violent dans 75 % des cas, quand il s'agit du Noir, alors qu'il ne l'est que de 17 %, quand il s'agit du Blanc ; de plus, quand le Noir a un comportement agressif, les étudiants l'attribuent à des caractéristiques personnelles ; en revanche, quand c'est le Blanc qui adopte le même type de comportement, les étu­diants l'attribuent à la situation, c'est-à-dire au contexte pré­supposé d'insécurité. Cette expérience illustre bien comment l'attribution fonctionne à partir de stéréotypes racistes (un Noir est plus violent qu'un Blanc) pour expliquer un com­portement concret par les traits négatifs qui justifient ainsi la façon de percevoir le Noir. D'autres études se sont davantage centrées sur les rela­tions entre processus d'attribution et appartenance à une catégorie, en considérant notamment les rôles masculin-féminin. On a ainsi cherché à mettre en évidence comment les mécanismes d'attribution se manifestaient dans une situa­tion de réussite d'une tâche effectuée par un homme et une femme (Deaux et Emswiller, 1974). Au cours d'une experierice7 on a deinande:àdes étudiantsdes deux sexes d'évaluer la même performance réalisée par un homme ou une femme dans une tâche spécifiquement masculine ou féminine. Après leur avoir présenté les deux types de tâches, identifiées clairement au préalable par tous, l'une comme masculine, l'autre comme féminine et après s'être assurés que la performance qui leur était liée était perçue comme semblable, les chercheurs leur ont demandé d'évaluer à quoi ils attribuaient la même performance dans ces deux types de tâches en situant la cause de cette perfor­mance sur une échelle allant du pôle chance au pôle compé­tence; le pôle chance étant l'indice d'une cause externe, celui de compétence, d'une cause interne. Les résultats font apparaître que dans le cas d'une tâche spécifiquement masculine, la performance de l'homme est attribuée à sa compétence (causalité interne), alors que si la même performance a été obtenue par une femme, pour la même tâche, on aura tendance à l'attribuer non pas à sa compétence, mais à la chance (causalité externe). Si l'on consi­dère maintenant une tâche spécifiquement féminine, les résultats montrent que la performance de la femme est attri­buée à sa compétence, mais si un homme obtient la même performance dans une tâche spécifiquement féminine, on l'attribuera également à la compétence de l'homme et non à la chance, comme ce fut le cas pour la femme. Cette expérience illustre le fait que le processus d'attribu­tion est d'une part déterminé par la perception du rôle social d'une personne dans une situation donnée et d'autre part la tendance à caractériser autrui en utilisant les traits stéréoty_ pés de la catégorie sociale à laquelle il appartient. Les travaux de Pettigrew (1979) apportent à ces résultats un éclairage complémentaire à travers le concept d'erreur ultime d'attribution qui désigne la tendance à émettre des jugements favorables sur le groupe auquel on appartient et défavorables sur les autres ; quand ces derniers se compor­tent de façon non désirable on aura d'autant plus tendance à expliquer leurs actes par des causes internes. Ainsi l'erreur ultime d'attribution serait d'autant plus forte que les indivi­dus ont des préjugés bien établis. À travers ces divers travaux, on saisit l'importance de la dimension sociale dans les processus d'attribution, ce qui tend à montrer que les processus cognitifs ne sont pas seule­ment individuels ou interpersonnels, basés sur des facteurs psychologiques, mais ont des ancrages sociaux qui doivent être pris en compte et interviennent dans les explications que nous échafaudons pour comprendre les événements et sur­tout les comportements de ceux qui n'appartiennent pas à notre catégorie sociale. (G.N. Fischer : « La psychologie sociale » - Seuil – 1997)

Document n° 14 : L’expérience de l’école des chênes (Oak School)

L’école primaire des Chënes où se dféroule la célèbre étude de Rosethal et Jacobson est une école comme les autres. L'équipe enseignante est relativement jeune et diplômée (moyenne d'âge 35 ans) et est particulièrement soucieuse de sa pédagogie. La population de l'école est essentiellement composée d'enfants issus de milieux plutôt défa­vorisés comprenant 17 % d'enfants d'origine mexicaine (1/6 des 650 élèves), la plupart en situation d'échec scolaire. Les élèves et leurs enseignants ont accepté de participer à une étude dont l'objectif est de repérer par l'intermédiaire d'un test (« le test d'inflexion des cour­bes d'acquisition ») les enfants dits « démarreurs tardifs ». Le docu­ment fourni aux enseignants est le suivant : Étude de l'inflexion des courbes d'acquisition (Fondation Nationale de la Science). Dans les progrès scolaires de tous les enfants, il y a des avancées, des stagna­tions et des régressions. L'étude entreprise à Harvard, avec l'aide de la Fondation Nationale de la 'Science, concerne les enfants qui montrent une progression inhabituelle dans leur scolarité. Une telle progression apparaît ou peut apparaître à n'importe quel niveau de la scolarité ou du développement intellectuel. Quand elle se produit chez des enfants qui jusque-là n'ont pas très bien réussi à l'école, ce phénomène est appelé "épanouissement tardif". Notre étude a, entre autres, pour but de valider un test qui prédit la possibi­lité pour un enfant de présenter une inflexion ou un "démarrage" dans un proche avenir. Ce test va être administré dans votre école ; il doit nous permettre de prédire quels sont les enfants qui sont les plus susceptibles de présenter un "démarrage" scolaire. On trouvera probablement aux diffé­rents niveaux de la scolarité 20 % d'enfants (approximativement) qui obtiendront les meilleurs résultats à ce test. La mise au point du test qui doit prédire les inflexions ou "démarrages" n'est pas encore telle que chacun des 20 % des meilleurs éléments fasse effectivement ce "démarrage". Mais ces 20 % montreront une inflexion plue significative dans leur apprentissage au cours de l'année suivante que ne le feront les 80 % d'enfants restants. En raison du caractère expérimental de ce test, nous ne pouvons en discuter les principes initiaux ou ses résultats, ni avec les parents, ni avec les enfants eux-mêmes. À l'issue de cette étude, les participants seront avisés des résultats. »1 Le test est administré à l'ensemble des enfants et, à l'issue des corrections, chaque enseignant reçoit les noms des enfants qui dans sa classe sont susceptibles de manifester un « épanouissement tardif ». En raison du caractère expérimental de ce test, l'identité des enfants doit rester confidentielle et ne doit pas être communiquée aux enfants eux-mêmes ou à leurs parents. Le lecteur l'aura sans doute compris, les enfants dont les noms figurent sur ces listes ont été choisis aléatoirement et ne présentent aucune caractéristique psychologique particulière qui permettrait de les distinguer des autres. L'objectif des auteurs consistait effective­ment à créer chez les seuls enseignants une attente positive erronée concernant les capacités de certains enfants. L'expérience avait pour but de déterminer dans quelle mesure les enfants sur lesquels les enseignants fondaient des espoirs particulièrement favorables pré­senteraient un développement intellectuel plus important que celui du reste des enfants du groupe témoin. Afin de tester cette hypo­thèse, plusieurs mesures du quotient intellectuel (Q.I.) des enfants devaient être réalisées. La chronologie de la procédure était la suivante :

— Les enfants passaient un test de mesure du quotient intellectuel (pré-test) ;

— Quatre mois plus tard, ils complétaient le test d'inflexion des courbes d'acquisition et certains étaient aléatoirement désignés comme « démarreurs tardifs » ;

— Huit mois plus tard, une nouvelle mesure du quotient intellec­tuel était administrée (post-test) ;

— Deux ans après, un test Q.I. de contrôle était de nouveau admi­nistré afin de voir si les gains dus aux préjugés de l'enseignant étaient transférés chez un autre enseignant qui n'avait pas été inchtit à atten­dre quoi que ce soit de particulier pour aucun des élèves.

De très nombreuses autres mesures et analyses ont été effectuées dans le cadre de cette étude (distinction entre Q.I. verbal et Q.I. rai­sonnement, perception que les enseignants ont du profil psychologi­que des enfants, résultats scolaires selon les disciplines, etc.). Nous ne pouvons que renvoyer le lecteur à l'ouvrage de Rosenthal et Jacobson pour un compte rendu détaillé de cette étude. Par exemple, les résultats mettaient en évidence que les enfants dont on attendait qu'ils s'épanouissent étaient jugés par les enseignants comme plus curieu intellectuellement, plus heureu et moins en quête d'appro­bation sociale. Leurs résultats scolaires étaient également meilleurs. Cependant, ces évaluations de l'enseignant ne permettaient pas de conclure que les compétences de l'enfant avaient objectivement changé, c'est-à-dire que la prophétie s'était réellement réalisée. En effet, on ne pouvait exclure que les progrès en question n'existent que dans l'esprit des enseignants et que ceux-ci avaient tendance à « surnoter » ces élèves sans en avoir conscience. Les résultats les plus intéressants concernaient donc les mesures de Q.I. plus objectives. Les effets les plus troublants' se manifestèrent sur les gains moyens au Q.I. des enfants les plus jeunes qui était au cours préparatoire (CP) au début de l'expérience. Comme le montre la figure 1, les effets de la prophétie des enseignants étaient extraordinaires.

Figure 1. Gain moyen au Q.I. total après un an (fin du CP) et après deux ans (fin du CE1) pour les enfants désignés aléatoirement comme démarreurs tardifs » (groupe expérimental) et ceux du groupe de contrôle (groupe témoin) (d'après Rosenthal et Jacobson, 1971, p. 120 et 189)

Les enfants pour lesquels les enseignants avaient des attentes positives manifestaient un gain de Q.I. considérable en comparaison des élèves du groupe témoin (résultat CP). Cet avantage tendait néanmoins à s'estomper lors de la deuxième année (CE1) alors que les élèves se retrouvaient avec un autre enseignant, qui bien entendu n'avait pas connaissance du statut expérimental des élèves. En d'autres termes, les enfants dont les enseignants attendaient à tort des progrès étaient objectivement devenus plus compétents. La publicité qui fut faite autour de ce résultat fit franchir très rapi­dement aux travaux de Rosenthal (publiés initialement en 1966 et dans Scientific American en 1968) le cadre restreint des revues spécialisées et la publication du livre ne fit qu'accentuer le phéno­mène. De vives critiques tant de la part d'enseignants et du public que de chercheurs s'attaquèrent à la thèse, à la méthode et aux résultats. L'attaque fut immédiate et sévère. Parmi les plus célèbres, on notera les attaques de Thorndike' et de Jensen. Au niveau méthodologique, un livre entier de Elashoff et Snow' fut particulièrement cinglant. Concernant ce dernier livre et en témoignage du climat de l'époque, il est utile de préciser que le chapitre de Rosenthal et Rubin4 inclus dans cet ouvrage en réponse à la compilation de critiques avait été modifié à l'insu de ses auteurs afin d'écarter certains arguments qui rendaient caduques la plupart des critiques des autres chercheurs'. Durant cette période, des chercheurs s'attachèrent à reproduire, avec plus ou moins de bonheur, le troublant effet Pygmalion. Meichenbaum, Bowers et Ross reproduisirent l'expérience originale non sans avoir au préalable pallier certaines des limites repérées à son endroit'. Ils obtinrent un net effet Pygmalion sur la perfo. rmance des enfants aux tests intellectuels standardisés. Dans la décennie qui suivit la publi­cation du livre, le nombre d'expériences publiées sur cet effet passa de 35 à 345 et l'utilisation de la technique de la méta-analyse permit d'établir sans aucune ambiguïté que l'attente d'une personne concer­nant le comportement d'un individu peut amener à sa propre confir­mation'. Néanmoins, les tentatives répétées de reproduction_de cet effet ne se soldant pas toutes par un succès, elles continuèrent à entretenir la controverse' et amenèrent les psychologues sociaux à étudier les processus psychologiques sous-jacents à l'effet du préjugé de l'enseignant et à établir les conditions de son occurrence. (J.C. Croizet – J. Ph. Leyens : « Mauvaises réputations – réalités et enjeu de la stigmatisation sociale » - Armand Colin – 2003)

  Document n° 15

« La poupée blanche est celle qui a la belle couleur parce que ses pieds, ses mains, ses oreilles, ses coudes, ses genoux et ses cheveux sont propres. (enfant noir de 7 ans)

«Je ressemble à la poupée noire parce que je me suis brûlé la figure. » (enfant noir de 5 ans)

«Je suis blanc, mais j'ai l'air noir parce que j'ai bronzé pendant l'été. » (enfant noir de 7 ans)

Clark & Clark, 1947, p. 178'

En  1947, les psychologues sociaux Kenneth et Mamie Clark publièrent les résultats d'une recherche sur la « conscience de soi raciale » de jeunes enfants noirs âgés de 3 à 7 ans. L'expérience relativement simple consistait à présenter à chacun des enfants quatre poupées. Deux de ces poupées étaient noires, les deux autres étaientblanches. La tâche des enfants consistait à répondre à des questions posées par l'expérimentateur en lui donnant l'une des quatre pou­pées. Les questions posées étaient, dans l'ordre, les suivantes :

Donne-moi la poupée avec laquelle tu aimerais jouer, la poupée que tu préfères.Donne-moi la poupée qui est une gentille poupée.Donne-moi la poupée qui est moche.Donne-moi la poupée qui a une belle couleur.Donne-moi la poupée qui ressemble à un enfant blanc.Donne-moi la poupée qui ressemble à un enfant de couleur.Donne-moi la poupée qui ressemble à un enfant de négro 1.Donne-moi la poupée qui te ressemble.dans une classe dont la langue d'enseignement était la langue d'origine des enfants (Inuttitut), et dont l'enseignant était un Inuit utilisant un matériel pédagogique en inuttitut ;dans une classe utilisant une langue seconde, c'est-à-dire le enseignant blanc.

 

COMMUNICATION

Document n° 17 : La transmission des informations et des rumeurs : l'expérience de Postman et Allport.

Le travail de Postman et Allport, présenté en 1945, provient d'un problème très concret : en 1942, après la défaite de Pearl Harbor, de nombreuses rumeurs circulèrent aux Etats-Unis, visant notamment l'armée, la marine américaine, l'administration ou certains groupes américains minoritaires et les accusant d'incompétence ou, pire, de trahison. L'objectif de ces deux chercheurs a donc été d'essayer de reproduire en laboratoire (c'est à dire dans des conditions contrôlables) le mécanisme des rumeurs. L' expérience est simple et rappelle notre vieux jeu du "téléphone arabe". On présente une image à une personne et on lui demande ensuite de la décrire à une seconde personne qui ne l'a pas vue. Cette seconde personne devra faire de même pour une troisième, et ainsi de suite; l'expérience a été refaite avec quarante groupes de six ou sept personnes à chaque fois. Comme on s'en doute, la description de l'image a été peu à peu déformée selon trois cheminements: les détails considérés comme peu importants ont disparu, d'autres ont été au contraire accentués, enfin certains détails vont être réinterprétés de façon à apparaitre comme cohérents avec l'ensemble de la scène. Les auteurs remarquent que bien souvent ces transformations vont se faire dans le sens de stéréotypes sociaux. Ainsi, une image représente une scène dans une rame de métro : un homme blanc, habillé sans élégance (certains diraient mal habillé), discute avec un noir bien habillé (chapeau, costume et cravate). Le blanc tient un objet dans la main qui pourrait être une pipe ou un rasoir et parle au noir (certains pensent qu' il le réprimande). Dans plus de la moitié des cas, le récit final parle d'un noir qui tient un rasoir dans la main et menace un homme blanc. Il est évident que cette déformation va dans le sens d'un stéréotype - une discussion entre blanc et noir aux Etats-Unis ne peut être amicale, le noir ne peut être que délinquant - traduisant soit des sentiments racistes soit une peur du stéréotype du noir violent. Ce type d'expérimentation permet de montrer comment se forme un phénomène apparemment aussi insaisissable que la rumeur. Evidemment on peut critiquer cette approche en rappelant que les conditions en laboratoire s'éloignent sur certains points des situations "réelles", mais cela ne remet pas en cause la valeur de cette expérimentation car elle aurait plutôt tendance à donner des résultats plus modérés que ce qui se passe dans la réalité (les personnes sont plus attentives au message que dans la réalité, le temps de transmission du message est plus court, l'implication personnelle est moins forte que dans la réalité). (Th. Rogel : « Introduction impertinente à la sociologie » - Liris- 2004)

Document n°18

 L’utilisation du terme « petit monde » remonte à l’expérience de Stanley Milgram effectuée en 1967. Il s'agissait de demander à un échantillon (supposé aléatoire) de 300 Américains du Nebraska de faire parvenir une lettre à un individu cible dont ils n'avaient pas l'adresse, mais sur lequel ils possédaient des informations (sa profession : courtier, son lieu de travail : Boston...). La règle était de ne transmettre la lettre qu'à une de ses connaissances propres. (... ) Relativement peu de lettres sont arrivées à destination (environ un quart), mais le résultat surprenant fut que la longueur moyenne d'une chaîne de porteurs du message de son origine jusqu'à sa destination était très faible (environ 6). Pourtant, le nombre d'individus potentiellement concernés par le réseau social mis en jeu était très important (plusieurs centaines de millions), les personnes étaient éloignées géographiquement et socialement entre elles, et enfin, aucune d'elles n'avait la carte du réseau social. (…) Quoi d'étonnant ? On pourrait trouver l'effet petit monde assez naturel : si un individu a 100 relations (amicales, professionnelles, etc.) et que chaque relation a elle-même ioo relations, on voit qu'en 3 sauts le long des relations, on pourrait atteindre 100 puissance 3 =  1 million d'individus. Cela expliquerait que tout individu puisse être atteint en peu de sauts. (GN Fischer)

 

VI NORMES ET INFLUENCES

Document n° 19 : Le conformisme

L'expérience d'Asch (1952) permet de distinguer la part prise par le proces­sus d'étalonnage de celle prise par l'influence des autres membres du groupe dans les évaluations des sujets expérimentaux soumis à une tâche perceptive. Asch souhaite montrer que les individus placés devant une tâche percep­tive non ambiguë ne subissent aucune influence de la part du groupe dans lequel ils sont insérés. L'influence d'un groupe ne saurait aller à l'encontre d'une évidence pour un sujet donné. Asch propose aux sujets expérimentaux une tâche de comparaison de longueur de segments. Il s'agit de trois segments de longueur différente ; ils doivent désigner lequel d'entre eux a la même longueur que le segment étalon. La tâche est évidente et ne comporte aucun risque d'erreur : les différences entre le segment étalon et les autres segments est de 2,5 cm. Les sujets expérimentaux passent l'expérience en groupes de neuf personnes. Chaque groupe est constitué de "compères", complices avec l'expérimentateur, et d'un seul sujet naïf. Les compères ont pour consigne de donner une réponse fausse lors de sept essais sur douze. Les résultats.de l'expérience montrent que, dans la série des sept évalua­tions incorrectes, un tiers des réponses des sujets naïfs se conforment à l'avis de la majorité des compères. Asch se dit surpris par de tels résultats qui montrent l'influence de la majorité d'un groupe sur la minorité, influence susceptible d'opérer contre l'évidence même de la perception. Il observe que la taille du groupe (3, 7 ou 10 membres) ne modifie pas l'effet de conformisme observé et que en portant la différence de longueur des segments de 2,5 cm à 7,5 cm, l'effet de conformisme se manifeste encore de manière significative : 28 % des réponses des sujets naïfs se conforment à l'avis de la majorité des compères. Il semble pourtant que, dans ces situations extrêmes, les sujets naïfs soient plus clairement scindés en deux catégories, les soumis (environ un quart des sujets) et les indépendants (environ la moitié). Les recherches sur la soumission ont permis d'éclairer ce phénomène surprenant

La soumission

Pour Milgram (1974), la soumission est essentiellement un conformisme en acte. Il élabore un plan expérimental visant à mettre en évidence la capacité d'un groupe d'amener un individu à accomplir des actes qu'il n'aurait pas accompli sans y être contraint par le groupe. Milgram recrute par petites annonces des sujets censés participer à une tâche de mémorisation par apprentissage de couple de mots. Le groupe de quatre personnes comporte trois compères. Le premier joue l’élève censé apprendre, il est assis attaché sur une chaise électrique. Le deuxième lit la liste des couples de mots, puis le mot-stimulus et quatre réponses possibles parmi lesquelles l'élève doit en choisir une. Le troisième compère juge la réponse de l'élève et énonce la bonne réponse si nécessaire. Le sujet naïf est placé devant une console électrique comportant trente graduations allant de 15 volts à 450 volts. Les expérimentateurs lui expli­quent que son travail consiste à contrôler l'apprentissage de l'élève en le sanctionnant si nécessaire par des chocs électriques. Les expérimentateurs sont présents, ils demandent au sujet naïf d'augmenter de 15 volts le choc-sanction appliqué à l'élève à chaque erreur de ce dernier. L'élève joue la comédie et au fur et à mesure de l'application des chocs, simule le malaise, la douleur puis la souffrance extrême. Pour contrôler les effets de soumission au groupe de compères et aux expérimentateurs, Milgram constitue un groupe témoin dans lequel les compères et les expérimentateurs sont absents. Dans ce groupe témoin, le sujet naïf est seul en face du compère-élève. Les résultats de l'expérience montrent que la moyenne des chocs admi­nistrés au trentième et dernier essai est de 212 volts pour le groupe expérimental et de 51 volts pour le groupe témoin. Pourtant tous les sujets ne réagissent pas de la même manière, on retrouve les soumis et les indépendants. Certains sujets iront jusqu'à 450 volts alors que d'autres refusent très vite l'expérience et quittent la pièce.

L'influence majoritaire met en évidence au moins trois fonctions assu­mées par les groupes :

< >la fonction d'affiliation : les sujets conformistes sont décrits comme des sujets coopératifs, mais dépendants et conventionnels susceptibles de réacti­ver une relation parentale dans le groupe ;la fonction de mise en conformité : le consensus de groupe est recherché contre l'isolement et la déviance parce que celle-ci facilite l'action indivi­duelle et sociale ;la fonction de légitimation : le point de vue majoritaire jouit du prestige de la vérité et de la norme. Il permet de désambiguïser et de valider la réalité.

 

VII INDIVIDUS ET GROUPES

Document n°22 : Une expérimentation en sociologie du travail : l'expérience d'Elton Mayo à la "Western Electric Company"

Cette expérience a comme intérêt qu'elle ne se situe pas dans un "laboratoire" mais sur le terrain lui même. Dans les ateliers Hawthorne de la Western Electric Company on fabriquait dans les années 20 tout ce qui concerne les téléphones; malgré de bonnes conditions matérielles, des avantages sociaux et une satisfaction générale des employés les signes de mécontentement comme l'absentéisme et la mauvaise qualité des produits était nombreux. La direction fit donc appel à des chercheurs universitaires, menés par Elton Mayo, pour comprendre les raisons de ces défaillances. L'expérimentation se déroula en deux périodes de deux et cinq ans (nous ne verrons ici que la deuxième partie de l'expérience). Un groupe d'ouvrières volontaires accepta d'être isolé et, tout en modifiant leurs conditions de travail, on compara l'évolution de leur productivité à celle des autres groupes. Dans un premier temps, on améliora leurs conditions de travail en mensualisant leur salaire (qui était auparavant aux pièces), en modifiant les pauses et le rôle du contremaitre qui devint plus un rôle d'écoute et de conseil que de commandement; il s'en suivit une amélioration de la productivité. Dans un deuxième temps on enleva successivement ces avantages, ce qui correspondait donc à une dégradation des conditions de travail; pourtant la productivité continua à augmenter. Il est donc patent que les conditions de travail ne suffisent pas à elles seules à expliquer l'amélioration de la productivité. La variable majeure était la "norme de groupe" : les ouvrières fabriquaient, sans même se le dire, un nombre de pièces sensiblement égal à celui des autres ouvrières du groupe. En utilisant des termes courants, on peut dire que le "moral" du groupe était devenu essentiel dans la productivité de l'ensemble, moral qui était le produit des relations entre les ouvrières mais aussi des relations des ouvrières avec le contremaitre. Cette norme de groupe se retrouve quotidiennement dans les classes de lycée : il y a des classes où la norme est au travail, d'autres où elle est plutôt au refus du travail. Dans les premières il est "normal" de travailler, de poser des questions au professeur et de s'inquiéter de ses résultats scolaires; un élève qui ne suit pas cette norme de groupe ne sera pas rejeté mais se marginalisera rapidement. Dans les secondes, il est plutôt mal vu de travailler et un élève qui tentera de s'intéresser au cours ou de questionner le professeur sera perçu comme un "fayot". Il est vrai que la plupart des classes se situeront entre ces deux extrêmes, cependant il est intéressant de voir que cette norme, spécifique à une classe, se modifiera quelque peu suivant le professeur qu'elle a en face d'elle et les relations qui se seront établies entre élèves.(Th. Rogel)

Document n° 23 : La compétition intergroupe.

Enfin une troisième situation rendant difficile la différenciation intercatégorielle apparaît lorsque des groupes sont en compétition sur le même critère. Les expériences les plus significatives sur ce point sont dues à Sheriff et Sheriff (1979) et se sont déroulées dans une colonie de vacances. À partir d'un groupe cohésif d'enfants de 12 ans coopérant pacifique­ment à des activités agréables, les expérimentateurs organisent deux groupes en séparant les meilleurs amis. Ces groupes accomplissent toujours des jeux impliquant une coopération de leurs membres, mais on instaure des jeux compétitifs où la victoire d'un groupe implique la défaite de l'autre. Le réseau des affinités se transforme en conséquence. Ceux qui étaient amis dans le groupe initial et qui ont été séparés le deviennent progressivement moins. Les amitiés tendent à se circonscrire dans l'intragroupe et les amitiés intergroupes tendent à disparaître. Enfin une forte hostilité intergroupe se développe entraînant insultes et bagarres. L'installation d'un compétition entre les groupes s'est traduite par une modification des perceptions, des sentiments et des actions vis-à-vis de l'autre groupe. Dans cette expérience, les deux groupes étaient formés à partir d'un seul groupe. Que se passe-t-il lorsque deux groupes indépendants et cohésifs sont mis en compétition ? Une seconde expérience de Sheriff montre qu'on obtient les mêmes effets que précédemment. La compétition intergroupe — ici l'organisation d'un tournoi — se traduit par des sentiments et des conduites hostiles vis-à-vis de l'autre groupe.(A.Blanchet-A. Trognon : « La psychologie des groupes »-Armand Colin – 1978)

Document n°24 : Le favoritisme intragroupe.

Le favoritisme intragroupe est une conduite consistant pour les membres d'un groupe à favoriser les membres de leur groupe d'appartenance au détriment des membres du groupe de non-appartenance. De très nombreuses expériences l'ont mis en évidence. Voici une expérience due à Tajfel (1981) illustrant ce phénomène :

Des personnes ayant participé à une expérience doivent rémunérer leurs participants à l'exclusion d'eux-mêmes. Elles ont été réparties en deux groupes selon des catégories d'appartenance créées expérimentalement (par exemple le groupe A et le groupe B). Elles ne savent pas qui sont les personnes qu'elles rémunèrent, mais seulement si elles appartiennent à leur groupe d'appartenance ou à l'autre groupe. Par exemple, dans l'une des procédures expérimentales utilisées, les sujets reçoivent des échelles de rémunération comme celle-ci et doivent choisir une seule colonne pour rémunérer à la fois un membre de leur groupe et un membre du groupe auquel ils n'appartiennent pas :

                                              

Lorsque les valeurs du haut rémunèrent un membre du groupe d'apparte­nance et les valeurs du bas un membre du groupe de non-appartenance, le fait de choisir une colonne vers la gauche indiquera une stratégie de rému­nération diminuant les gains en valeur absolue des membres du groupe d'appartenance au profit d'une différenciation des rémunérations en faveur des membres de ce groupe. Les résultats montrent que c'est la stratégie qui est la plus fréquente. Si on a le choix entre donner beaucoup à un membre de son groupe, mais beaucoup aussi à un membre de l'autre groupe, et donner moins --à un meml---e de son groupe tout en lui donnant nettement plus qu'à un membre de autre groupe, c'est la seconde méthode qui sera préférée. Ainsi la différenciation intergroupe est-elle préservée, au détri­ment de la valeur absolue des gains. (A.Blanchet-A. Trognon : « La psychologie des groupes »-Armand Colin – 1978)

Document n°25 : Peut-on provoquer un changement dans les groupes ?

Dans une expérience restée célèbre, Kurt Lewin montre comment il est possible de provoquer un changement dans le comportement des individusi. Il s'agissait, dans le cadre de l'effort de guerre dans les années 40, d'inciter les ménagères américaines à abandonner les viandes de premier choix au profit de viandes tout aussi nutritives mais moins valorisés (abats, tripes, coeurs,...) et de leur permettre d'imposer ce choix à leur famille et notamment à leur mari. Trois groupes de ménagères suivirent un exposé sur la nécessité de participer à l'effort de guerre et les qualités nutritives des bas morceaux. Trois autres groupes participèrent à des discussions collectives au cours desquelles on essaya de déterminer les obstacles à un éventuel changement et on demanda aux femmes d'indiquer à main levée si elles étaient disposées à essayer une de ces viandes au cours de la semaine suivante. Il apparut, au cours de contrôles ultérieurs, que 32% des femmes ayant participé aux discussions de groupe avaient changé de mode de cuisine contre 3% de celles qui avaient seulement écouté les exposés. L'explication de ces différences tient au fait que, dans le cadre des groupes de discussion, les femmes se sont plus impliquées que durant les exposés et qu'elles ont pu voir que d'autres femmes s'engageaient également. Leur changement s'appuie donc sur la constitution d'un groupe de référence dont la norme n'est plus la norme antérieure. L'objet du changement, c'est la norme en vigueur et, l'individu hésitant à s'écarter de la norme, il est finalement plus aisé de changer les individus lorsqu'ils sont en groupe que de les changer seuls. Les femmes, contrôlant la quasi-totalité" des activités du ménage (à l'exception du jardinage), sont alors les agents privilégiés du changement. Enfin, on voit que les arguments purement rationnels donnés durant les exposés sont peu efficaces en l'absence de référence au groupe. Pour Lewin, cette expérience ne doit pas être vue comme une simple expérience localisée mais permet de montrer que "la décision du groupe doit être considérée comme une technique de changement social". (Th. Rogel : « Le changement social contemporain » - Breal – 2003)

Document n° 26 : La « naturalisation » du déviant.

Lorsque les déviants, au lieu de résister passivement à la pression du groupe, exercent des pressions sur ce groupe, le risque de rejet augmente. Mais le rejet ne prend pas forcément la forme d'une froide répression, ni d'une simple discrimination socio­métrique. Il peut prendre des formes plus subtiles. La « naturalisation » serait un des mécanismes par lesquels un système social peut s'immuniser contre les déviants, en ruinant leur crédibilité. Ce mécanisme consiste à considérer des propriétés stables naturelles, idiosyncratiques, comme étant à la source des comportements et des discours déviants, ce qui permet de ne pas en tenir compte. Cette naturalisation peut prendre des formes diverses : « biologisation » (parce qu'il est noir; parce qu'elle est femme...), « psychologisation » (c'est bien son caractère; il est paranoïaque, ...), « sociologisation » (il est syndicaliste, politicien, ...). Nous montrerons ici comment une approche en termes psychologiques d'une tentative d'influence amène une dimi­nution de l'influence, ce qui illustrerait la fonction sociale de tels mécanismes de « naturalisation ». Pour exemple, citons le cas de ce professeur d'université ayant écrit qu'il soupçonnait la Suisse de n'être pas au-dessus de tout soupçon, et dont l'ouvrage souleva une intense polémique. L'interprétation « psychologisante » de cet ouvrage qui dénonce la politique de la Suisse peut être illustrée par l'extrait de presse suivant :

UNE  HISTOIRE  DE  FAMILLE

(ATS) - Se référant, sans le citer, à l'ouvrage du Conseiller national genevois Ziegler, M. Chevallaz a déclaré : « Il peut arriver qu'un fils choyé dans les meilleures familles (...) se lève de table avant la fin du repas, brise une potiche, claque bruyamment la porte et aille piétiner les rosiers cultivés avec amour par sa grand-mère. Les quinquagénaires avalent leur gigot de travers, le cousin banquier éclate de colère, (...) les psychologues y trouvent, depuis Freud, de multiples explications, Mauriac en aurait fait un roman. Les Suisses n'en feront pas un drame ». (« La Suisse », 18 juin 1976, page 17). (W. Doise, J.C. Deschamps, G. Mugny : « La psychologie sociale expérimentale » - Armand Colin – 1978)

 

 

 

 

Commentaires

  • Albert Blanco
    Bonjour,

    L'expérience de la "grotte des voleurs" de Sheriff et de son épouse ne date pas de 1979, mais de 1961. Par ailleurs; il ne s'agissait pas d'un groupe cohésif de 12 enfants, mais de deux groupes de 11 enfants.

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