RUMEURS, LEGENDES ET COMPLOTS

La connaissance de la rumeur et des théories du complot étant devenue un objectif prioritaire de l’Education Nationale, je voudrais montrer ce que la psychologie sociale et la sociologie peuvent apporter dans le cadre du lycée.

Le premier dossier en téléchargement ci-dessous est consacré aux rumeurs et légendes urbaines.

Dossier rumeurs legendes urbaines et theories du complot copie (1.46 Mo)

Ce dossier commence par la présentation de la « littérature orale » (qui plait bien aux élèves) ; on désigne par là tous les récits qui se sont transmis, préférentiellement par voie orale, par le passé (mythes, légendes, et contes) et aujourd’hui (rumeurs, légendes urbaines et mythes modernes ; je n’aborde pas vraiment ces derniers). C’est un domaine partagé par les sociologues, les psychologues mais aussi les spécialistes de littérature et ça en fait tout le plaisir). Ici j’utilise les travaux du psychologue Bruner, du spécialiste de littérature Salmon (storytelling) mais aussi du « folkloriste » Van Gennep (connu en sociologie pour la notion de « rite de passage »). Dans un deuxième temps, j’aborde spécifiquement la question des rumeurs et des légendes urbaines. Contrairement aux idées reçues, le fait qu’elle soit vraies ou fausse importe peu, ce qui compte c’est que la diffusion soit informelle (non officielle) et qu’on ne puisse, en général, pas en retrouver la source. Ainsi, la maladie de Mitterrand, bien que réelle, a fait l’objet de rumeurs car elle était officiellement niée. Le terme de  rumeurs se rapproche des termes plus anciens de ragot, potin et commérages aujourd’hui inusités. La légende urbaine est très proche de la rumeur et se confond parfois avec elle ; la différence essentielle est que la Légende urbaine est une histoire au scénario plus élaboré et complexe que la rumeur et est censée s’être passée en une seule occasion (la mygale dans le yucca est une légende urbaine mais que Marloboro soit financé par le KKK est une rumeur). Aucun public n’est protégé contre la rumeur, chaque rumeur ayant son marché : ainsi la rumeur du LSD dans les décalcomanies a circulé parmi les médecins et les mères de famille. Il ne faut donc pas penser qu’une bonne instruction protégerait contre l’erreur. En revanche, il ya des thèmes privilégiés par la rumeur : la perversion des puissants, la santé, la sexualité, l’étranger, les enfants, (ce qu’on retrouve clairement dans la rumeur d’Orléans ou dans la mygale dans le yucca).Une partie spécifique est consacrée aux « Légendes urbaines scientifiques » (rumeur de Villejuif, effet Mozart, X fragile). La première question qui s’est posée historiquement est celle de la propagation des rumeurs. En 1941, Postman et Allport ont posé les premières pierres de l’analyse en montant que la rumeur suivant trois lois fondamentales de réduction (disparition des éléments non pertinents), accentuation (des éléments marquants) et assimilation (adaptation des détails au milieu culturel). Cette diffusion sera accentuée si la source est jugée crédible mais peut s’éteindre dans le cas contraire, d’où l’importance de l’ADUA (Ami D’Un Ami ou FRIOF « Friend OF a Friend » en anglo-américain) qui est assez près pour apparaitre comme crédible mais assez loin pour être inatteignable. Mais comment une rumeur naît-elle ? Il faut qu’il  y ait insuffisance d’information ou ambigüité d’une information sur un sujet considéré comme essentiel par le public touché (qui peut aller d’une menace de guerre aux amours des stars). Mais l’ambigüité peut s’appuyer sur des « biais cognitifs » (travail notamment de Bronner)

On passe vite de la rumeur à la « Théorie des complots » (au point que certains assimilent les deux).

C’est l’objet du deuxième dossier qu’on peut télécharger ici : 

Dossier complots et internet (240 Ko)

La théorie du complot se fonde sur l’idée que les coïncidences ne peuvent pas être le fait du hasard ; le problème c’est que nous nous faisons une idée fausse du hasard en pensant que les résultats dus au hasard devraient être homogènes et réguliers (mais le fait qu’il existe des théories du complot ne veut as dire qu’il n’existe pas de complots). On peut aussi être surpris par certaines situations ou par certains récits « visionnaires »  parcequ’on n’a pas recontextualisé le discours.  L’analyse  du cas Titanic par Bronner présentée dans ce dossier est un modèle du genre. Enfin, on arrive à l’objectif final de ces dossiers qui est l’effet d’Internet sur les rumeurs et les théories du complot. Internet leur donne un séreux coup de fouet en permettant de diffuser des rumeurs à un plus grand nombre de personnes que par le seul bouche à oreille et ce de façon non ou peu déformée (puisqu’il suffit de faire des copiés-collés). Enfin, Internet favorise une forme de rumeur qui n’était qu’en gestation jusqu’alors, les  « images rumorales » et on sait quelle importance elles ont tenu dans les théories complotistes qui se sont développées après l’attentat chez Charlie. La dernière partie est consacrée aux dangers qu’Internet peut faire peser sur les décisions démocratiques. Bronner montre que des droits incontestables, comme le droit de s’informer, de critiquer et de décider, peuvent déboucher sur des récits complotistes s’ils ne sont pas menés méthodiquement (en cela Bronner se situe pleinement dans la lignée de Tocqueville). (Ici j’ai repris une note de lecture que j’ai faite sur un bouquin de Bronner parceque je n’avais plus vraiment le courage d’aller faire des coupes dans le texte original)

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

J .N. Kapferer : « rumeur, le plus vieux media du monde »

Gerald Bronner : « La démocratie des crédules »

Gerald Bronner :  Vie et mort des croyances collectives, Paris, Éditions Hermann, 2006.

Gerald Bronner : La Pensée extrême: Comment des hommes ordinaires deviennent des fanatiques, Denoël, 2009

Campion-Vincent : «  De source sûre » - Rivages - 2005

Revue communication n° 52 : « Rumeurs et légendes contemporaines »- 1990 en ligne http://www.persee.fr/issue/comm_0588-8018_1990_num_52_1

Site Hoaxbuster http://www.hoaxbuster.com/