FAUT-ILSUPPRIMER LE TERME « RACE » DE LA CONSTITUTION ?

 

FAUT-ILSUPPRIMER LE TERME « RACE » DE LA CONTITUTION ?

DOSSIER

 

PARTIE I : PROJET DE LOI

Document 1 : Qu’est ce que la Constitution ?

La Constitution est un ensemble de textes juridiques qui définit les différentes institutions composant l’État et qui organise leurs relations. Elle peut comporter également une charte des droits fondamentaux. Une Constitution écrite est généralement organisée en plusieurs parties appelées titres, eux-mêmes divisés en articles et alinéas. Quelle que soit sa présentation et son contenu, la Constitution est considérée comme la règle la plus élevée de l’ordre juridique de chaque pays. la France a connu des constitutions très différentes dans leur contenu et dans leur présentation.

– Ainsi, la première, élaborée en 1791, définissait à la fois les droits fondamentaux, énoncés dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, et les différents organes de l’État.

– La Constitution de la Ve République, quant à elle, comporte un préambule proclamant l’attachement du peuple français aux droits de l’homme et au principe de souveraineté nationale. La Déclaration de 1789 et le préambule de 1946 lui ont été associés et ont acquis, en 1971, une valeur constitutionnelle. En 2005, le préambule s’est enrichi des droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement, adoptée en 2004 par le Parlement..

(http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/veme-republique/constitution-definition/qu-est-ce-qu-constitution.html)

 

Document 2 : Article 1 de la constitution

La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales. (http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=5513E4B62ECA83B7DC6A9616E4218FA8.tpdjo08v_2?idArticle=LEGIARTI000019240997&cidTexte=JORFTEXT000000571356&categorieLien=id&dateTexte=20140506 )

 

Document 3 : la proposition de loi. L'Assemblée nationale a adopté, jeudi 16 mai, une proposition de loi du Front de gauche supprimant le mot "race" de la législation française. La majorité PS s'est ralliée à cette proposition, soulignant qu'il s'agissait d'"une première étape". François Hollande s'était en effet engagé pendant la campagne présidentielle à supprimer ce terme de la Constitution. Le texte, débattu dans le cadre d'une "niche" parlementaire réservée aux propositions du Front de gauche, se propose donc de supprimer le mot "race" du Code pénal, du Code de procédure pénale et de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Le rapporteur de la proposition, Alfred Marie-Jeanne, a fait valoir que le mot "race", "ce concept aberrant, ayant servi de fondement aux pires idéologies, n'a pas sa place dans notre ordre juridique". Pour ne pas risquer de faire tomber l'incrimination de racisme, les députés socialistes ont fait adopter un amendement affirmant explicitement, dans l'article premier, que "la République combat le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie. Elle ne reconnaît l'existence d'aucune prétendue race". Pour le député PS Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois, la suppression du mot dans la législation "n'est qu'une première étape". (Pierre Andrieu : « L'Assemblée nationale supprime le mot "race" de la législation - Le Monde.fr.- 16.05.2013)

 

 

PARTIE II HISTOIRE DE LA NOTION DE RACE

 

Avertissement

Il s'agit là d'un dossier délicat permettant aux élèves d'analyser l'idée de « race ». Idée simple en apparence mais en fait très complexe. Elle amène donc à étudier l'histoire du terme et de la notion et pour cela étudier des textes de penseurs « racialistes » voire racistes. Il n'est pas question, et il ne serait pas possible, de faire un historique exhaustif, ce qui explique l'emploi du terme «histoires» au pluriel et sans majuscule. L'approche sera compréhensive au sens weberien du terme, c'est-à-dire que nous essaierons de comprendre le « sens » que les auteurs, y compris racistes, donnent à leurs écrits sans pour autant les justifier. Les élèves trouveront notamment des textes d’auteurs racistes ou racialistes comme H.V. Vallois, scientifique typique de son époque ou Pierre Richet, au racisme exacerbé.

 

  • DEFINITIONS ET HISTOIRE DU TERME.

 

Document 4 : Evolution des différents sens du terme « race ».

Le terme « race » apparait en filigrane dans la langue française au 16ème siècle. Il désigne alors l’ensemble des descendants d’une même lignée, traduisant par là une idéologie de l’hérédité : la continuité du « sang » à travers la succession des générations – soit la permanence d’une sorte de substance qui distinguerait irrémédiablement des lignées plus ou moins pures. Cette idéologie a été qualifiée récemment par la formule « le pire l’emporte », car le droit coutumier de l’époque témoigne du principe selon lequel, l’ascendance servile prévaut toujours sur l’ascendance libre : toute union d’un élément de la noblesse avec un élément servile venant souiller le sang pur, les descendants appartenaient tous à la lignée la plus basse.

Au 17ème siècle, le terme est utilisé pour opposer la noblesse « de race à la noblesse acquise plus récemment et, surtout, aux « races serviles ». C’est  à partir de ce sens que s’est constitué un mythe politico-littéraire, celui de la guerre des deux races. Ce mythe, qui servit en particulier à justifier l’absolutisme monarchique, explique les origines de la noblesse et le fondement de ses prérogatives. Le marquis de Boulainvilliers (1658-1722), puis l’abbé Mably (17109-1785), légitimèrent tous deux l’existence de deux classes sociales par la préexistence de « deux races » distinctes : le Francs, d’origine germaine, ancêtres de la noblesse, et les gallo-romains ;, ancêtres des roturiers. Le premier à populariser ce mythe fut Boulainvilliers qui fit de la conquête de la Gaule par les Francs le point de départ de l’histoire de France. En aristocrate, il supposait que les deux groupes étaient restés séparés (les races nobles se retrouvant dans la noblesse ; les races « ignobles » dans le tiers-état). Mably, en, précurseur républicain, pensait quant à lui que les deux races avaient fusionné.  Dans les deux cas et malgré leurs divergences politiques, ces auteurs fabriquaient une mythologie nationale en postulant, à l’origine de la nation, l’existence de races distinctes. La controverse continua, du 17èmùe siècle jusqu’à l première moitié, du 19ème siècle, où on la retrouve chez des historiens Guizot et Augustin Thierry. Avec l’avènement des ces sciences naturelles puis de la biologie au début du 19ème siècle, c’est un autre sens du mot qui s’impose dans le milieu savant. La race, ou variété, ou encore sous-espèce, désigne un rang taxinomique inférieur à l’espèce, dans le but de distinguer plus finement à l’’ionbtérieur des espèces animales domestiques, que la variation soit due à l’action  de l’homme (par exemple la sélection par l’levage) ou à la nature (« évolution suite à un isolement géographique, par exemple une île). (…) Mais le sens du mot race évolue avec William F . Edwards, le fondateur de l’ethnologie ?, (le premier usage de ce terme renvoie à « l’étude différentielle des races, ethnies et des cultures »), dans la première moitie du 19ème siècle. Il combine, dans son ouvrage sur »Des caractères physiologiques des races humaines considérées dans leurs rapports avec l’histoire, Lettre à monsieur Amédée Thierry auteur de l’histoire des Gaulois » (1829), les deux sens  de la notion de race. La race est chez lui un agrégat de traits physiologiques (requérant l’observation naturaliste, selon le sens nouveau) et des traits culturels des humaines (supposant l’étude historique des filiations des peuples, selon  le sens ancien). Après lui, l’anthropologie raciale de la seconde moitié du siècle fait de la race s notion fétiche afin de se livrer à l’histoire naturelle de l’homme. La seconde acception semble alors éclipser complètement la première. Pourtant, si on y regarde de plus près, on s’aperçoit que le premier sens du mot race ne disparait pas complètement. Il est plutôt relégué au second plan (…) (Régis  Meyrand : «  Le mythe de l’identité nationale » - Berg International – 2009)

 

 Document 5

Nous sommes maintenant à même, sinon de conclure, du moins de récapituler brièvement les principales étapes qui ont marqué la constitution progressive de la notion de « race » dans la conscience occidentale. Sans prétendre être définitive ni exhaustive, cette rapide esquisse généalogique n'en est pas moins, à notre avis, plus complète que la plupart de celles que nous proposent historiens et sociologues. Il convient, tout d'abord, d'observer que, bien que le mot de « race » n'ait pas d'équivalent exact en grec, toutes les conditions étaient réunies, dans la pensée du lVe siècle avant notre ère, pour qu'apparaisse la notion correspondante. Rap­pelons les faits. Les Athéniens conçoivent explicitement le sexe féminin comme une sorte de race (un genos ou un phulos), en tout cas comme une population close sur elle  même, porteuse de caractères physiologiques et psychologi­ques héréditaires — et bien évidemment inférieure par nature. De même, ils tiennent leurs esclaves pour les membres d'une race plus proche de l'animalité pure que de l'humanité, tout en maintenant l'existence de procédures institutionnelles per­mettant de passer de celle-là à celle-ci. Quant aux Barbares et aux mondes étrangers en général — d'où viennent leurs esclaves —, les Athéniens nourrissent à leur égard toutes sortes de fantasmes dans lesquels il est difficile de retrouver la fameuse « sérénité » grecque ; mais ce sont surtout les peuples éloignés qui en font les frais et, à partir de la pé.riode hellé­nistique, le petit peuple juif dont la présence, à Alexandrie, est mal supportée par la communauté grecque elle-même installée dans cette ville. Reste que, pour qu'apparaisse la notion,` de race au sens que ce terme a aujourd'hui, il faudrait encore que l'on puisse repérer, dans la pensée grecque, l'existence d'une hiérarchie symbolique entre les couleurs de peau. Est-ce  le cas ? Nous avons dit plus haut que non car jamais, semble-t-il, la notion de couleur n'est entrée en interférence avec les diverses classes de jugements péjoratifs portés par les Athé­niens sur leurs Autres. Mais jusqu'à quel point peut-on dire « jamais » ? Avec quelle certitude peut-on affirmer qu'une telle interférence ne s'est jamais produite ? La plus grande pru­dence, ici, s'impose ; elle s'impose d'autant plus que, même si elle n'a pas été mise en rapport explicite avec la pigmentation des peaux humaines, une certaine hiérarchie des couleurs exis­tait bien dans le monde grec. On se bornera à rappeler que, dans la religion hellénique, Le blanc indique le côté de la lumière et de la pureté, tandis que le noir renvoie à la notion, à la fois matérielle et religieuse, de saleté ou de souillure, et au côté des dieux chtoniens (14). Une telle opposition, avec la valorisation qu'elle sous-tend, se retrouve dans la religion latine : le blanc évoque la vie, le noir, la mort (15). Il faut en tenir compte car la pensée médiévale — non seulement chré­tienne mais aussi islamique —, nourrie de culture antique, héritera malgré tout de ces stéréotypes. Mais le Moyen Age — qu'il soit juif, musulman ou chré­tien — hérite aussi d'un livre, le texte vétéro-testamentaire, dont les interprétations talmudiques sont bien connues. Selon certaines de ces interprétations, la descendance de Cham a été condamnée à une noirceur éternelle en raison de la malédiction lancée par Dieu contre le fils de Noé. Un autre passage bibli­que est, à cet égard, encore plus significatif : « Je suis noire mais belle, fille de Jérusalem [...] ; ne regardez pas si je suis noircie, c'est le soleil qui m'a brûlée », déclare la bien-aimée du Cantique des Cantiques (16), nous révélant par là que la noir­ceur était déjà, dans la pensée hébreue, plutôt liée à l'idée de laideur ; peut-être l'était-elle aussi, mais ceci est moins clair, à l'idée de lèpre (17). Quoi qu'il en soit, le christianisme médié­val hérite de ces schémas au moins autant que des stéréotypes gréco-romains. Les Noirs deviendront bientôt les grandes vic­times de cette opposition, d'origine symbolique, entre lumière et ténèbres. L'évangile apocryphe que nous avons cité (18) témoigne de l'existence de cette malédiction dès le VIe siècle de notre ère. Après 1492, le démon est aussi indien. La découverte des « sauvages américains », cannibales dépourvus de vêtements, d'écriture, de religion et d'Etat, soulève d'innombrables pro­blèmes philosophiques. Du moment où il est avéré qu'ils habi­tent un « nouveau monde » et non les Indes, la question se pose de savoir d'où ils viennent et même si ce sont des hom­mes. La solution est double : théologiquement intégrés à l'humanité, les sauvages n'en sont pas moins relégués à l'avant-dernière place, à peine au-dessus des Noirs. Et comme ces ' sauvages sont, eux aussi, de couleur marron, ce caractère extérieur devient le signe visible de leur infériorité naturelle. Dès l'aube du xve siècle, en somme, l'idée de race se trouve mise en relation avec la pigmentation des peaux. La supériorité de l'homme blanc est donc pratiquement acquise. L'anthro­pologie des Lumières lui donnera un fondement scientifique ; la colonisation du monde par l'Europe, au siècle suivant, en fournira la confirmation éclatante. Venons-en rapidement à la fin du xix` siècle : victorieuse de ses « ennemis » extérieurs, l'Europe n'en est pas moins entrée dans une crise économique, sociale et politique insurmontable. Les heurts des nationalismes intra-européens exa­cerbent cette atmosphère de concurrence et de lutte pour la vie. Il faut un bouc émissaire : on le trouve, cette fois, dans la personne du Juif. Mais les Européens ne sont plus chrétiens comme au Moyen Age ; ils sont devenus positivistes. Il faut donc que l'antisémitisme se pare des couleurs de la science, historique ou anthropologique. C'est ce qu'il fait dans la période qui va de l'affaire Dreyfus au génocide nazi La notion de race s’enrichit alors d’une signification nouvelle : elle peut servir à désigner des groupes internes à l'Occident, que la couleur de leur peau ne distingue nullement des Aryens mais qui, quoi qu'on en dise, ne penseront jamais de la même façon Et aujourd'hui ? Tous les conflits mondiaux, avons-nous écrit, ainsi que les conflits sociaux tendent à prendre une connotation raciale. Le terme de « race » est appliqué à n'im­porte quelle catégorie humaine, même aux catégories qui n'ont aucune unité biologique. Plus que jamais, c'est le raciste qui crée la race ou, plus exactement, qui décide d'appliquer une étiquette raciale sur « l'out-group » qu'il souhaite élimi­ner. Il n'y a plus de bouc émissaire privilégié : chacun d'entre nous peut devenir celui d'un autre. La race serait-elle donc en voie de disparition ? Oui mais, hélas, par généralisation... Et le racisme ne s'est jamais si bien porté. Même si, ravagé par les haines raciales, le monde entier semble au bord de l’apocalypse. (Ch. Delacampagne : « L’invention du racisme » - Fayard – 1983)

 

II) EXEMPLES DE CLASSIFICATIONS RACIALES

Document 6 : Qu’est ce que la race ?Texte de H.V. Vallois (1889-1981), anthropologue et paléontologue français, directeur du musée de l'homme en 1950. Penseur « racialiste » assez classique en son temps)

Tous les hommes actuels appartiennent à un même groupe, l'espèce Homo sapiens des classifications zoologiques. Mais, tandis que presque chacune des espèces animales est cantonnée dans un territoire défini, l'espèce humaine a envahi toute la terre : on trouve des hommes dans les solitudes glacées des toundras, comme sur le sol brûlant de l’Equateur ; on en trouve sur les hauts plateaux des Andes et du Tibet, comme dans les îles perdues du Pacifique. L'Homo sapiens est une espèce ubiquiste. Elle présente encore un autre caractère : son extrême diversité. Il n'est pas besoin d'avoir beau­coup voyagé pour savoir que rien que par leur couleur, les hommes peuvent être divisés en trois catégories au moins, Blancs, Jaunes et Noirs. Mais chacune de celles-ci est hétérogène. Dans quelques régions, les Blancs ont des cheveux blonds et des yeux bleus, dans d'autres, des cheveux et des yeux noirs ; ici, leur tête est allongée, là, elle est arrondie, et ainsi de suite. Les descriptions des voyageurs nous apprennent que des différences analogues existent chez les Noirs et les Jaunes : tel groupe de Noirs par exemple qui vit dans la forêt équatoriale, est composé de petits hommes velus n'ayant pas 1 m. 50 de hauteur, tandis que, non loin de là, les marécages du Haut-Nil abritent des tribus au corps glabre et dont la taille dépasse souvent 1 m. 80. Ces exemples pourraient être multipliés. Ils mon­trent que l'humanité se divise en un certain nombre de groupes que distinguent' leurs caractères corpo­rels. C'est à ces groupes qu'on donne le nom de races. Ils correspondent approximativement à ce que les zoologistes appellent les sous-espèces, tandis que les botanistes parlent plus souvent de variétés. Ils peuvent être définis comme « des groupements naturels d'hommes, présentant un ensemble de carac­tères physiques héréditaires communs, quelles que soient par ailleurs leurs langues, leurs moeurs ou leurs nationalités ». Dans cette définition, le terme « physique » mérite d'être précisé. Il embrasse les caractères qui tiennent à la nature même des hommes : ceux-ci sont petits ou grands, à peau claire ou pigmentée ; ils ont des cheveux lisses ou crépus, de longs bras ou des membres courts ; leurs viscères sont plus ou moins gros ; l'analyse de leur sang montre la pré­sence ou l'absence de certaines substances ; leur intelligence est souple ou déliée on, eu contraire, lente et paresseuse, etc. Bref, il y a là une série de dispositions dues, soit la structure de notre corps, ce sont les caractères anatomiques ; — soit au fonc­tionnement de ses organes, ce sont les caractères physiologiques ;— soit au mécanisme de son cerveau, ce sont les caractères psychologiques. On peut y ajouter la façon dont nous réagissons aux maladies, ce qui constitue une dernière catégorie, les caractères pathologiques. C'est l'ensemble formé par ces quatre ordres de faits qui est utilisé pour définir les races. Il y a seulement lieu de préciser que tous ces carac­tères n'ont de valeur que s'ils sont héréditaires. Des dispositions qui se seraient développées sous l'action du milieu où vit un individu et disparaîtraient chez ses descendants, ne pourraient naturellement être considérées comme raciales. Concluons ce bref exposé. Les groupements humains peuvent être envisagés à des points de vue très différents. On réserve le nom de races à ceux établis d'après un ensemble de caractères physiques ; ceux-là seuls ont une valeur anthropologique. On sait, d'autre part, qu'on appelle nation ou état ceux qui correspondent à une communauté politique. Viennent enfin ceux basés sur des caractères de civilisation, en particulier une langue ou un groupe de langues identiques ; on a créé pour eux un terme qui tend de plus en plus à s'imposer ; ce sont les ethnies. Races, nations et ethnies forment trois entités différentes et qu'on ne doit pas confondre. La suite de ce livre le montrera amplement. Nous ajouterons qu'il peut arriver que, dans un même groupe 'd'hommes, la race et l'ethnie coïnci­dent. C'est le cas de divers peuples primitifs, comme les Australiens, les Boschimans, les Négrilles, etc. Mais ces coïncidences sont limitées à de petites communautés que leur isolement géographique a pu préserver jusqu'ici. Dès qu'on aborde les grandes masses qui peuplent la majeure partie des conti­nents, les races, les ethnies et les frontières politiques s'enchevêtrent à qui mieux mieux. C'est le mérite de l'anthropologie moderne que d'avoir su les dissocier.

Les caractères raciaux

Les caractères utilisés pour distinguer les races sont très nombreux. On a vu qu'ils se rangent sous quatre chefs. Mais tous n'ont pas la même. impor­tance. (…) Le plus classique est la couleur de la peau. C'est sur elle qu'ont été établies les plus anciennes clas­sifications et les vieux livres sanscrits, comme les anciennes figurations égyptiennes, y faisaient déjà allusion. Elle dépend de la présence, dans les couches profondes du tégument, de petits grains d'une substance brun jaunâtre appelée pigment. Leur quantité est variable. S'il y en a beaucoup, la peau devient très foncée et prend la teinte brune ou noire des Nègres. S'il y en a moins, le rouge du sang qui circule sous la peau apparaît par transparence et le mélange de sa couleur avec celle du pigment donne les teintes jaune brun ou jaune clair de beaucoup d'Asiatiques. Si le pigment fait défaut, la peau prend la teinte blanc rosé des Européens du Nord. Suivant la quantité de matière colorante et sa densité, on peut ainsi avoir toute une série de teintes, mais il est à noter qu'aucune de celles-ci n'est rouge : comme nous le verrons plus loin, les soi-disant Peaux-Rouges étaient en réalité jaune brun. Les variations de couleur s'étendent aux cheveux et aux yeux, mais elles y sont plus limitées : dans la grande majorité des races, cheveux et yeux sont noirs ou brun foncé. Ce n'est que dans quelques races européennes que se produit une dépigmentation : au niveau des yeux, elle donne les yeux bleus avec leurs variétés, gris ou verts ; si le phénomène est peu marqué, on a les yeux jaunes ou brun clair. Au niveau des cheveux, une forte dépigmentation produit les cheveux blonds, une plus faible ceux châtains. La forme des cheveux a beaucoup d'importance. Elle permet de distinguer trois types essentiels : les cheveux droits, les cheveux laineux et les cheveux crépus. Les premiers sont propres aux races jaunes ; généralement longs, ils sont gros et raides ; leur section a une forme circulaire. Les seconds sont les cheveux souples de la majorité des Européens ; plus fins et plus doux que les précédents, ils ont souvent une tendance à onduler, ou décrivent une boucle à leur extrémité ; eux aussi sont longs. Les cheveux crépus sont tout à fait différents : propres aux Noirs, ils sont courts et s'enroulent en hélice, formant une série de spires très serrées qui s'ac­crochent les unes aux autres et couvrent la tête d'une toison comparable à la laine du mouton ; en coupe, ils ont une forme ovale. Un caractère de toute autre nature est la stature. Déjà, à la naissance, il existe des différences entre les races : tandis que les nouveaux-nés de Français mesurent 50 cm., ceux des Indochinois n'en ont que 46 ; mais, chez les adultes, les différences sont beaucoup plus considérables. Pour les apprécier, on établit une classification qui prend comme base la moyenne approximative de l'humanité, 1 in. 65. De 1 m. 60 à 1 m. 70, les tailles sont dites moyennes. Au delà de 1 m. 70, elles sont hautes ; au-dessous de 1 m. 60, elles sont basses. Les tailles inférieures à 1 m, 50 ne se rencontrent que dans quelques races qu'elles caractérisent ; on les nomme « pygmées ». Dans l'appréciation de la stature il convient natu­rellement de séparer les hommes des femmes, les premiers ayant à peu près 10 cm. de plus. Tous les chiffres donnés dans ce livre sont des statures masculines. Un caractère très utilisé, mais dont l'appréciation exige un certain entraînement, est la forme de la tête : quand on considère celle-ci d'en haut, on constate qu'elle a un contour ovalaire, mais cet ovale peut être allongé d'avant en arrière ou, au contraire, dilaté transversalement. Dans le premier cas, on dit que la tête est dolichocéphale (d'un mot grec qui veut dire « long »), dans le second, qu'elle est brachycéphale (d'un autre mot, qui veut dire « court »). Les têtes de forme intermédiaire sont mésocéphales. La détermination de ces catégories ne doit pas être faite au hasard. Pour les estimer, on compare l'une à l'autre la longueur de la tête (de la base du front à la partie la plus saillante de l'occiput), à sa largeur (distance maximum entre les deux tem­pes). Une formule facile permet de calculer un chiffre qui exprime la largeur qu'auràit la tête si sa longueur était égale à 100 ; c'est l'indice cépha­lique. Chez les dolichocéphales, il est inférieur à 76 (c'est-à-dire que la largeur n'excède pas les 76 °A de la longueur) ; chez les mésocéphales, il va de 76 à 81 ; il dépasse ce dernier chiffre chez les brachy­céphales. La forme du visage peut aussi varier : la face est étroite ou large, ovalaire ou quadrangulaire, aplatie ou bombée. La modification la plus importante du point de vue racial est le degré de développement des mâchoires : chez certaines races, en particulier les noires, elles font saillie en avant, c'est le prognathisme ; si, au contraire, le profil est rectiligne, il y a orthognathisme. Le nez est susceptible de très grosses modifica­tions : mince et proéminent chez les Européens, il devient très large et plat chez beaucoup de races de couleur. On exprime ce changement par un indice, l'indice nasal, dont la formule s'inspire du même principe que celle de l'indice céphalique. Il serait superflu d'en donner ici les valeurs numé­riques. Il suffira de dire que, là encore, on distingue trois catégories : les leptorhiniens, à nez mince et haut ; les mésorhiniens, de forme intermédiaire ; et les platyrhiniens, à nez large et plat. Mais d'au­tres variétés s'observent aussi, que l'indice nasal ne peut traduire : ainsi le dos du nez, vu de profil, peut être rectiligne, concave ou convexe. La racine du nez est plus ou moins enfoncée. La pointe de l'organe est de forme très variable, etc. Les yeux ne sont pas intéressants que par leur couleur. L'ouverture palpébrale, horizontale et ovale chez les Européens, peut subir des modifications. La plus caractéristique est celle dite oeil mongolique, parce que c'est chez les Mongols d'Asie qu'elle se rencontre esientiellement : l'angle interne de l'œil est marqué par un repli falciforme qui se porte directement de la paupière supérieure à l'inférieure, la bride mongolique. Sa présence, qui coïncide avec un gonflement particulier de la paupière supérieure, fait que l'ouverture oculaire est rétrécie ; elle est de plus oblique, et l'angle externe est étiré en dehors et en haut.

           La classification des races humaines

Avec Linné, apparaît pour la première fois, une classification scientifique. Dans la 10ê édition de sou Systema naturae (1758), celle qui fait foi pour toutes les questions de nomenclature, le savant sué­dois divise l'espèce Homo sapions en quatre groupes fondamentaux : l'Homme américain, l'Homme euro­péen, l'Homme asiatique et l'Hoinme africain. Les définitions qu'il en donne tiennent compte à la fois de leurs caractères physiques et de ceux sociaux. La classification de Linné a eu une large diffusion. Encore aujourd'hui, elle est acceptée par certains anthropologistes.

La classification adoptée ici admet vingt-sept races, que l'ensemble de leurs caractères permet de réunir en quatre groupes :

Races primitives, dont les dispositions géné­rales indiquent une évolution morphologique moins avancée que chez les autres ; elles sont au nombre de ceux ;

20 Races noires ou négroïdes, à peau foncée, che­veux crépus ou fortement ondulés,' nez très géné­ralement large ; au nombre de sept ;

30 Races blanches, à peau claire ou brune, che­veux bouclés ou ondulés, nez généralement mince ; au nombre de dix ;

40 Races jaunes, à peau ayant un arrière-fond jaunâtre, cheveux droits ou à peine bouclés, nez de largeur variable ; au nombre de huit.

 

Document 7 : L'indice céphalique.

C'est un des caractères fondamentaux de l'an­thropologie, et qui joue un très grand rôle dans la dis­crimination des races humaines. Il exprime la forme générale de la tête. Quand on regarde un crâne par en haut, il paraît tantôt long et étroit, tantôt court et large. Dans le premier cas, il est dit dolichocéphale, dans le second brachycéphale (voyez pl. I à III). Les crânes ayant une forme intermédiaire sont appelés mésocéphales. Tous les auteurs s'accordent sur ce point. La difficulté consiste à établir des limites précises entre les trois catégories. Pour éliminer tout arbitraire, on procède de la façon suivante : on mesure, avec un instrument de préci­sion comparable à un compas à branches incurvées, la plus grande longueur de la tête, de la saillie qui sur­monte la racine du nez jusqu'à l'occiput ; avec le même compas, on mesure ensuite la plus grande largeur, laquelle se trouve généralement un peu au-dessus et en arrière des oreilles. La comparaison de ces deux dimensions permet d'établir la formule : (long. maximum de la tête/largeur maximum de la tête) x 100 = ind.céphalique. Ainsi, l'indice exprime la largeur qui aurait la tête si sa longueur était égale à 100: plus l'indice est élevé, plus la tête est large (et courte) ; plus il est bas, plus la tête est étroite (et longue). Des têtes de dimensions différentes peuvent donc être comparées sans diffi­culté. La classification admise pour l'indice céphalique est la suivante (d'autres classifications ont été propo­sées, elles sont de moins en moins utilisées) :

tête dolichocéphale (longue) …   indice inférieur à 76.

 (large) . . . — de 81 et plus.

Lorsque l'indice atteint ou dépasse 85,5 on dit souvent qu'il y a hyperbrachycéphalie.

tête mésocéphale (moyenne)…    de 76 à 80,9

tête brachycéphale (large) . . .       — de 81 et plus.

Lorsque l'indice atteint ou dépasse 85,5 on dit souvent qu'il y a hyperbrachycéphalie.

Source : H.V. Vallois- « Anthropologie de la population française » -Coll. « Connais ton pays » - Didier - 1943

 

Document 8

Voyons maintenant ce qu'il en est de l'homme dans ces classifications. C'est Linné qui intégra l'homme dans la classification des animaux, en le rangeant avec les singes dans l'ordre des primates (ce qui provoqua quelques réactions de l’Eglise et de certaines de ses collègues dont Buffon). L’homme ne sortira pratiquement plus de cette place, hormis quelques tentatives avortées visant soit à le séparer des singes en créant un nouvel ordre (par exemple, Johann Friedrich Blumenbach (1752-1840) voulut créer un ordre des bimanes pour l'homme, et un ordre des quadrumanes pour les singes - c'est aussi le principe adopté par Cuvier), soit à le mettre complètement à part du reste de la nature (par exemple, Isidore Geof- froy Saint-Hilaire [1805-1861] et Jean Louis Armand de Quatrefages de Bréau [1810-1892] proposèrent de créer un quatrième règne spécialement pour lui, en plus des trois règnes traditionnels - minéral, végétal et animal -, selon le principe : le minéral est inerte, le végétal vit, l'animal vit et sent, l'homme vit, sent et pense). Chez Linné, il n'y a qu'un genre humain, qui ne contient qu'une espèce, elle-même divisée en six races. Quatre d'entre elles correspondent à quatre continents (dont elles portent le nom) : Homo sapiens europaeus, asiaticus, americanus et afer ; les deux autres, ferus et monstrosus, désignent la première les hommes sauvages (se déplaçant à quatre pattes, muets et hir- sutes), et la seconde les formes considérées comme « monstrueuses», c'est-à-dire dont les proportions sont « altérées », par exemple (chez Linné) les Hottentots (et sans doute les Pygmées) 17. Blumenbach ne reconnaît que cinq races (blanche, noire, jaune, rouge et malaise) 18. Cuvier adopte le principe d'une seule espèce humaine (dans un seul genre humain, lui-même unique genre de l'ordre des bimanes), mais ne reconnaît que trois races bien distinctes (blanche ou caucasique, jaune ou mongolique, et nègre ou éthiopique) 19. Au cours du XIXe siècle, certaines classifications voulaient que le genre humain ne comprenne qu'une seule espèce (chez le cuviériste Quatrefages, par exemple), d'autres voulaient au contraire qu'il en contienne plusieurs (en nombre variable, voir ci-après le cas de Haeckel qui comptait douze espèces humaines divisées en trente-six races). Dans les théories évolutionnistes, les différentes races (ou espèces) humaines avaient soit une seule origine commune (théorie monogéniste), soit plusieurs (théories polygénistes). On pouvait être monogéniste et admettre l'existence soit d'une seule espèce humaine, soit de plusieurs (dérivant toutes d'une même origine). En revanche, lorsqu'on était polygéniste, on admettait en général l'existence de plusieurs espèces humaines, et pratiquement jamais une seule. (A. Pichot : « La société pure »- Flammarion – 2000)

 

Document 9 : TABLEAU TAXONOMIQUE DES DOUZE ESPÈCES  ET DES TRENTE-SIX RACES HUMAINES SELON HAECKEL
(E Haeckel Histoire de la création des êtres organisés d'après les lois naturelles, op. cit., p. 599)

 

Document 10 : Les races en Europe selon Vallois

Race nordique

Stature élevée, cheveux et yeux clairs, tête dolicho-mésocéphale, face allongée

Var. dalique

Idem, mais tête et surtout visage plus larges

Race est-européenne

Stature petite, cheveux et yeux très clairs, tête brachycéphale, face large.

Race alpine

Stature petite, cheveux et yeux foncés, tête brachycéphale, face large

Race dinarique

Stature élevée, cheveux et yeux foncés, tête très brachycéphale, face moyenne

Var. norique (dinarique blonde).

Idem, mais cheveux et yeux clairs

Race méditerranéenne

Stature petite, cheveux et yeux très foncés, dolichocéphale, face longue.

Var. atlanto-mécliterra­néenne

Idem, mais stature plus grande et tête plus courte

(Source : H.V Vallois : « Anthropologie de la population française» Coll. «Connais ton pays » - Didier -1943)

 

Document 11 : les races en France selon Vallois.

 

STATURE

COULEUR DES CHEVEUX

COULEUR DES YEUX

INDICE CEPHALIQUE

1 Zone des grands mésocéphales blonds

Haute

Claire

Très claire

Méso-brachycéphale

2 Zone des grands brachycéphales blonds

Haute ou très haute

claire

Claire

Très brachycéphale

3 Zone des petits mésocéphales bruns

Faible

Foncée

 

Méso-brachycéphale

4 Zone des petits brachycéphales bruns

Faible

Foncée

 

Très brachycéphale

5 Noyau breton

Faible

Claire

 

Modérément brachycéphale

6 Bande pyreneo-mediterranéenne

Moyenne

Très foncée

 

Méso-dolicocéphale

(Source : H.V Vallois : « Anthropologie de la population française» Coll. «Connais ton pays » - Didier — 1943)

 

Document 12 : implantation géographique des races françaises selon Vallois.

Que conclure de tous les faits précédents ? Une première constatation d'abord : par leurs caractères les plus importants, les Français diffèrent entre eux. Les uns sont grands, les autres petits, les uns bruns, les autres blonds, les uns dolichocéphales, les autres brachycéphales, etc. On voit à quel point l'expres­sion   « Français moyen », dont abusent les journalistes, est fausse du point de vue anthropologique. Le Fran­çais moyen est un être artificiel, créé par les statisti­ques. Il n'y a pas « un Français», mais «des Français », et ce sont les catégories correspondant à ceux-ci que les études sur les races se proposent justement de mettre en évidence. (Source : H.V Vallois : « Anthropologie de la population française» Coll. «Connais ton pays » - Didier — 1943)

 

 

III) TEXTES RACISTES ASSUMES AU DEBUT DU XXème SIECLE

Document 13 : « Les races humaines » de Louis Figuier (1872)

Race blanche. On admet que la race caucasique ou aryenne est la souche primitive de notre espèce. De la région du Caucase, ou des rivages persiques de la mer Caspienne, cette race se serait répandue dans les différentes régions du globe et aurait progressivement peuplé la terre. C'est cette race qui a donné naissance aux peuples les plus civilisés, à ceux qui sont le plus généralement devenus dominateurs. Nous diviserons la race blanche en trois rameaux. C'est au peuple du rameau européen que s'applique particulièrement ce que nous venons de dire sur la civilisation et la puissance de la race blanche (…) Les Anglais peuvent être considérés comme le résultat du ménage des Saxons et des Angles avec les peuples qui habitaient les îles Britanniques avant l'invasion des Saxons. On trouve à la fois le caractère patient et persévérant, l'esprit sérieux, le goût de la vie de famille apporté par les Saxons et qui est le propre du génie germanique, mêlé à la légèreté et à l'impressionnabilité des peuples celtiques. Les têtes ont une forme longue et élevée, qui les distingue des têtes carrées des Allemands, surtout ceux de la Souabe et de la Thuringe. Les Anglais ont la peau généralement claire et transparente, les cheveux châtains, les formes élancées, la taille svelte, la démarche raide et la physionomie froide (…) Au point de vue physique, si l'on met à part certains extrêmes, on peut dire que le Français est caractérisé, non par les traits spéciaux, mais par la mobilité et l'expression de ces mêmes traits. Ni grand ni petit, le corps a des proportions excellentes, et s'il n'est pas capable de développer une grande action musculaire, il est du moins en état de lutter avec avantage contre la fatigue et les longs exercices. Agile et nerveux. prompt à l'attaque comme à la riposte, plein de ressources dans la défense, souple et dispos, adroit au physique comme au moral, tel est le Français, dont le type est reconnaissable dans notre classique troupier. Au point de vue intellectuel, le Français se distingue par une promptitude et une activité de conception vraiment hors ligne. Il comprend vite et bien. Une nuance de sentiment vient s'ajouter à son activité intellectuelle. A cet ensemble de qualités de l'esprit et du cœur, joignez une dose très prononcée de raison, un jugement solide et une véritable passion pour l'ordre et la méthode, et vous aurez le type français. C'est par la réunion de toutes ces qualités que l'on se rend compte du respect de notre nation pour la science et les arts, de l'ordre admirable qui règne dans ses musées, et du bon entretien de ses monuments historiques. Au physique, les Slaves offrent de fort beaux types caucasiques, affectés pourtant quelquefois d'une empreinte mongolique, notamment chez les Russes, qui se sont assimilé un grand nombre d'éléments étrangers. Ainsi, on rencontre chez beaucoup d'individus des pommes proéminentes, un nez déprimé à la racine, épais et relevé à son extrémité. Le paysan de la Grande Russie est intelligent, courageux, hospitalier, affable et bienveillant; mais il manque de propreté, et s'adonne avec excès à l'eau-de-vie de grain.

Race noire. L'infériorité intellectuelle du Nègre se lit sur sa physionomie sans expression ni mobilité. Le Nègre est un enfant. Les peuples de race nègre qui existent à l'état de liberté, à l'intérieur de l'Afrique, ne peuvent guère dépasser le niveau de vie de tribu. D'un autre côté, on a tant de peine, dans beaucoup de colonies, à tirer un bon parti des Nègres, la tutelle des Européens leur est tellement indispensable, pour maintenir chez eux les bienfaits de la civilisation, que l'infériorité de leur intelligence, comparée à celle du reste des hommes, est un fait incontestable. Les Nègres imposent aux femmes de durs travaux. Chez eux la femme n'est qu'un auxiliaire du travail. un serviteur de plus. La fabrication de la farine et du pain, le travail de la terre, et les plus fatigantes occupations, sont le lot de la Négresse dans sa patrie. On a dit, peut-être avec raison, que pour la Négresse l'ancien esclavage était un bienfait: elle ne faisait alors, en devenant l'esclave d'un maître, que changer d'oppresseur. (…) La croyance au pouvoir du hasard ou du destin domine chez ces hommes grossiers. De là les magiciens et les oracles chargés d'écarter le mauvais sort ou les destins contraires. De là aussi l'innombrable quantité de fétiches. Chaque Nègre a le sien. Triste effet de l'abrutissement naturel de ces peuples ! Ces graves défauts de la race nègre considérée à l'état sauvage ne doivent pas faire oublier ses aptitudes. Quand il a été arraché à la vie de tribu ou délivré des fers qui pesaient sur lui, le Nègre manifeste quelques qualités, qu'il nous reste à mettre en relief…

 

Document 14 : la haine raciste.

AVERTISSEMENT : Éminent professeur à la Faculté de Médecine de Paris, Charles Richet mérita avec Paul Portier le prix Nobel de médecine (1913). Il a été président de la Société de biologie (1877), membre de L’Académie de médecine (1898), de l’Académie des sciences (1914), auteurs de romans, drames, (…). Mais au lendemain de la Première guerre mondiale, cet adorateur de l’intelligence humaine fut très déçu et il publia L’homme stupide (1919). Cet homme de grand génie était un pacifiste militant. Il a protesté énergiquement contre les grandes folies collectives et meurtrières. Mais, il faut bien le dire ce grand homme était un eugéniste raciste . Il a écrit : « Vers l’an 2000 quand on connaîtra bien les lois de l’hérédité et leurs applications pratiques (...) on ne se contentera pas de perfectionner les lapins et les pigeons, on essayera de perfectionner les hommes. Il faudra alors préparer les bases d’une sorte de sélection artificielle, par l’effet de laquelle les hommes deviendront plus forts, plus beaux, plus intelligents. » De ce fait, faudrait-il ignorer tous ses écrits, résultats de nombreuses recherches et ainsi se priver des nombreuses connaissances qu’il a apportées dans plusieurs domaines ? L’homme stupide nous permet de constater autant la folie qui entourait les comportements humains du 19e siècle que ceux qui entourent encore notre monde d’aujourd’hui, presque cent ans après. Les opinions émises dans L’homme stupide sont propres à l’auteur et nous n’entendons leur donner aucune approbation ou improbation.

Les noirs. À peine parlerons-nous des races noires car notre tâche serait alors trop facile. Voici à peu près trente mille ans qu'il y a des Noirs en Afrique, et pendant ces trente mille ans ils n'ont pu aboutir à rien qui les élève au-dessus des singes. Au moins nous, les Blancs, avons-nous quelques monuments, quelques ébauches de science et d'art, des traités de géométrie analytique et de morale, des dictionnaires, des drames, des cathédrales, des symphonies, des Expositions universelles, des laboratoires de physique et des observatoires d'astronomie. Peu de chose après trois cents siècles, mais enfin quelque chose, assez pour donner à l'humanité blanche une apparence de vie, sinon raisonnable, au moins intellectuelle. Les nègres n'ont rien d'analogue. Ils continuent, même au milieu des Blancs, à vivre une existence végétative, sans rien produire que de l'acide carbonique et de l'urée. Les tortues, les écureuils, les singes, n’ont pas de tamtams, dont le bruit appelle une pluie bienfaisante, ni de gris-gris, devant lesquels il faut se prosterner sous peine de mort, ni de Mamajumbos qui se divertissent aux sacrifices humains. Les tortues, les écureuils et les singes ne consentiraient jamais à se percer les naseaux avec d'énormes pièces de bois, ni à se brûler la carapace ou la fourrure pour pouvoir montrer avec ostentation les cicatrices d'indélébiles tatouages. Donc les tortues, les écureuils et les singes sont bien au-dessus des nègres, dans la hiérarchie des intelligences. (…) Les nègres de l'Afrique, sans atténuer leur barbarie, comme nous essayons de le faire, par de ténébreuses sciences et d'aventureuses esthétiques, sont bien plus absurdes que les plus sottes espèces animales. Ils s'agglomèrent en peuplades minuscules qui se pillent et s'entretuent. Quelquefois c'est pour se manger (et ce sont les moins ineptes) ; le plus souvent c'est pour se disputer un champ de millet, ou un coin de forêt. À moins que ce ne soit pour des motifs tellement bas, chétifs et bizarres, que nul, même parmi les combattants, ne les connaît. (…) En effet, jamais les animaux ne sont des êtres dégradés. Ils mènent une vie grave et sereine. Ils chassent ou paissent, selon qu'ils sont carnassiers ou herbivores. Le soir venu, le mâle et la femelle rentrent dans leur tanière, sans souci du lendemain, préoccupés seulement de ne pas tomber sous les coups de quelque ennemi. Ceux qui vivent en troupes, comme les bisons et les antilopes, ont un vague état social qui consiste essentiellement à se grouper pour mieux échapper aux fauves et trouver de plus gras pâturages. Les hommes noirs vivent en troupeaux, eux aussi, mais ils ont à l'état de nature ajouté des coutumes, tantôt cruelles, tantôt ridicules, presque toujours ridicules et cruelles tout ensemble, d'autant moins excusables que leur cerveau est un peu plus compliqué que celui des singes, et qu'il est capable, au moins en apparence, de quelques raisonnements rudimentaires.

Les jaunes et les rouges. Je ne m'occuperai guère non plus des Peaux-Rouges et des Chinois, représentants médiocres de l'espèce humaine. Les Peaux-Rouges font quelque figure dans les romans de Fenimore Cooper ; mais, dans la vie réelle, ils sont d'une intellectualité très basse. On conte qu'ils furent très habiles à la chasse, la seule science qu'ils aient cultivée. Toutefois les épagneuls ont un flair plus délicat. Je reconnais que les épagneuls ne savent ni tirer de l'arc, ni empoisonner des flèches, ce qui les met en état d'infériorité notoire. Au moins sont-ils assez sages pour ne pas se planter des faisceaux bizarres de plumes autour de la tête, ni s'incruster dans la peau des inscriptions de toutes couleurs. (…) Quant aux Jaunes qui grouillent dans toute l’Asie, et couvrent la moitié de la terre, leurs sociétés ont les mêmes tares douloureuses que nos sociétés européennes. Ils ne relèvent guère le niveau humain. Ils sont petits, laids (Note de bas de page  :  Il n'y a pas de beau en soi. Le beau pour le crapaud, c'est sa crapaude. La Vénus Hottentote enflamme les sens de tout Hottentot digne de ce nom). Donc, quand je parle de beauté et de laideur, je juge en homme blanc et en Français du XXe siècle. et n'ont pas pu sortir de la demi-barbarie qu'ils avaient conquise il y a très longtemps. Maintenant les voici qui imitent les Blancs. Ils ont adopté notre service militaire  nos machines, nos institutions, nos Codes et nos laboratoires ; car ils ont la faiblesse de nous admirer, et sont à peine capables d'invention. Ce qu'ils ont de personnel est peu recommandable. Ils ont bâti des temples disgracieux dans lesquels la prière est remplacée par des bandes de papier qui se déroulent. Ils pratiquent copieusement l'infanticide et le suicide. Ils se délectent à fumer de l'opium et à manger du poisson pourris, toutes mœurs qui répugnent aux plus vils animaux. Ils mutilent les pieds des femmes par des brodequins étroits qu'ils leur infligent, dès la première enfance, de sorte que les malheureuses sont estropiées pour toute leur vie et peuvent à peine marcher. Spectacle lamentable que celui de ces pauvres créatures sautillant sur des moignons déformés ! Ils n'ont même pas su se créer un alphabet passable ; car les plus hauts mandarins de leurs pays, les plus considérés, les plus puissants, sont ceux qui sont enfin parvenus, après maintes années de laborieuses études, à écrire à peu près correctement. (Charles Richet : « L’homme stupide » (1920) - Professeur à la Falculté de Médecine de Paris - Prix Nobel (1913)

 

Document 15 : Appliquer l'anthropologie « darwinienne » à ta science politique naissances du « sélectionnisme »

Nommé en 1886 sous-bibliothécaire à l'université de Montpellier, il y donne aussitôt un « cours libre » d'anthro­pologie. La leçon d'ouverture est prononcée le 2 décembre 1886 à la faculté des sciences, sur le thème « L'anthropolo­gie et la science politique », qui annonce clairement son pro­gramme : « Exposer les conséquences établies des récentes conquêtes de la biologie ». Il s'agit en fait d'un projet de refonte des sciences sociales : « La nouvelle science sociale, la politique ou la sociologie, sait emprunter à la biologie des lois qu'elle fait siennes. » Ces lois sont celles de l'hérédité et de la sélection, qui « donnent les raisons de l'évolution de l'humanité ». La théorie des « sélections sociales » se pro­pose d'« expliquer par des phénomènes de sélection toute l'évolution des sociétés ». En 1896, le cours de 1888-1889 sera publié en volume : Les Sélections sociales. En 1899, suivra le cours de 1889-1890 : L'Aryen, son rôle social. La vision lapougienne de l'histoire, telle qu'elle est esquis­sée dès 1886-1887, est fondée sur deux postulats : l'histoire est celle de la lutte des races qui en constitue le moteur ; les individus agissent, c'est-à-dire luttent les uns contre les autres, sans savoir pourquoi, sans avoir une conscience claire des déterminismes raciaux qui les poussent à s'affronter. La conception polémologique de l'évolution historique et le prin­cipe de non-conscience des acteurs sont articulés dans ce développement conclusif de la leçon du 2 décembre 1886 : « L'histoire philosophique, telle qu'on la comprend chaque jour davantage, n'est pas autre chose que le procès-verbal de l'évolution de l'humanité, et de la lutte pour l'existence entre ses divers éléments. Chacun de ces éléments a des chances qu'il tient de ses qualités internes. Il est probable que tel l'emportera, tel autre sera refoulé, tel autre éliminé. Suivant que les milieux diffèrent, les chances d'un même élément varient. Ainsi l'élément blond a été écrasé en France : très nombreux à l'époque gauloise, il s'est maintenu en décrois­sant dans les familles aristocratiques et dans certaines masses de populations; il est presque éliminé aujourd'hui par la pré­dominance du type brachycéphale dans les croisements, et par l'effet des conditions de milieu, qui favorisaient la race bra­chycéphale. En Angleterre, c'est l'inverse qui s'est produit, et l'élément brachycéphale a presque disparu. La lutte incons­ciente des races explique l'histoire presque entière de ces deux pays, et jusqu'à la Révolution française, suprême et victorieux effort des populations touraniennes [« touranien » qualifie ici les éléments d'origine asiatique, c'est-à-dire la « race alpine »]. Sur un théâtre plus large et dans des conditions dif­férentes, la même lutte est favorable aux blonds, et l'hégémo­nie militaire et économique est entre les mains des populations aryennes de l'Allemagne du Nord, de l'Angleterre et des États-Unis » (Revue d'anthropologie, 15 mars 1887, p. 155). (Source : P. A. Taguieff : «La couleur et le sang » - Ed. Mille et une nuits -1998)

 

Document 16 : le racisme ,de Vacher de Lapouge.

Ce qui n'empêche pas Vacher de Lapouge d'être parfaite­ment raciste. Il était même fort entiché des dolichocéphales blonds, et aimait beaucoup moins les brachycéphales bruns. Aussi est-il intéressant de voir comment il les définit. « Le dolichocéphale a de grands besoins et travaille sans cesse à les satisfaire. Il s'entend mieux à gagner qu'à conser­ver les richesses, les accumule et les perd avec facilité. Aven­tureux par tempérament, il ose tout, et son audace lui assure d'incomparables succès. Il se bat pour se battre, mais jamais sans arrière-pensée de profit. Toute terre est sienne, et le globe entier est sa patrie. Son intelligence est de tous les degrés, et varie suivant l'individu de la lourdeur au génie. Il n'est rien qu'il n'ose penser ou vouloir, et vouloir, pour lui, c'est exécuter sur-le-champ. Il est logique quand il convient, et ne se paye jamais de mots. Le progrès est son besoin le plus intense. En religion il est protestant ; en politique il ne demande à l'État que le respect de son activité, et cherche plutôt à s'élever qu'à déprimer les autres. Il voit, et de très loin, ses intérêts personnels, et aussi ceux de sa nation et de sa race, qu'il prépare hardiment aux plus hautes destinées. » « Le brachycéphale est frugal, laborieux, au moins éco­nome. Il est remarquablement prudent et ne laisse rien à l'incertain. Sans manquer de courage, il n'a point de goûts belliqueux. Il a l'amour de la terre et celui du sol natal. Rarement nul, il atteint plus rarement au talent. Le cercle de ses visées est très restreint, et il travaille avec patience à les réaliser. Il est très méfiant, mais facile à piper avec des mots, sous lesquels sa logique exacte ne prend point la peine de rechercher des choses ; il est l'homme de la tradition, et de ce qu'il appelle le bon sens. Le progrès ne lui apparaît pas nécessaire, il s'en méfie, il veut rester comme tout le monde. (II adore l'uniformité. En religion, il est volontiers catholique ; en politique, il n'a qu'un espoir, la protection de l'État, et qu'une tendance, niveler tout ce qui dépasse, sans éprouver le besoin de s'élever lui-même. Il voit très clairement son intérêt personnel, au moins dans un temps limité ; il voit aussi et favorise les intérêts de sa famille et de ceux qui l'entourent, mais les frontières de la patrie sont souvent trop grandes pour sa vue. Chez ses métis, l'esprit d'égoïsme est renforcé par l'individualisme énergique du dolichocéphale, le sentiment de la famille et de la race se neutralise et s'atténue ; combiné avec une cupidité plus forte, il aboutit à tous les vices reprochés à nos bourgeois, et enfin l’élimination du self restraint. (Pichot : « La société pure »- Flammarion – 2000)http://bulletindelinternational.over-blog.fr/categorie-10137120.html )

 

Document 18 : La réponse de Durkheim

Sans revenir ici sur les pages de la Division du travail social consacrées à la démonstration du rôle secondaire de l'hérédité dans la vie sociale, le seul texte dans lequel Durkheim se soit véritablement employé à réfuter la théorie raciale est le chapitre n du livre premier du Suicide, en 1897. Citant le monogéniste Quatrefages puis le polygéniste Broca, Durkheim y rappelle d'abord habilement que «non seulement le vulgaire, mais les anthropologistes eux-mêmes emploient le mot [race] dans des sens assez divergents 2». Et il n'a ensuite aucun mal à montrer que, si l'on met de côté les insolubles questions d'origine pour s'en tenir à la définition consensuelle d'une race comme popu­lation d'individus partageant les mêmes caractères somatiques distinctifs et se les transmettant de génération en génération, les peuples s'étant tellement mélangés depuis la nuit des temps, «il n'est pas sûr qu'il y ait aujourd'hui des races humaines qui répondent à cette définition 3 ». En réalité, «un type humain que l'on constitue uniquement à l'aide de quelques renseignements, souvent indécis, sur la grandeur de la taille et la forme du crâne, n'a pas assez de consistance ni de déter­mination pour qu'on puisse lui attribuer une grande influence sur la marche des phénomènes sociaux. Les types plus spéciaux et de moindre étendue qu'on appelle les races au sens large du mot ont un relief plus marqué, et ils ont nécessairement un rôle historique, puisqu'ils sont des produits de l'histoire beaucoup plus que de la nature. Mais il s'en faut qu'ils soient objectivement définis. Nous savons bien mal, par exemple, à quels signes exacts la race latine se distingue de la race saxonne. Chacun en parle un peu à sa manière sans grande rigueur scientifique 4. » Dès lors Durkheim prévient ses troupes : « Ces observations préliminaires nous avertissent que le sociologue ne saurait être trop circonspect quand il entreprend de chercher l’influence des races sur un phénomène social quel qu’il soit. Car, pour pouvoir résoudre de tels problèmes, encore faudrait-il savoir quelles sont les différentes races et comment elles se reconnaissent les unes des autres. Cette réserve est d’autant plus nécessaireque cette incertitude de l’anthropologie pourrait bien être due à ce fait que le mot de race ne correspond plus à rien de défini. D’une part, en effet, les races originelles n’ont plus guère qu’un intérêt paléontologique et, de l’autre, ces groupements plus restreints que l’on qualifie aujourd’hui de ce nom semblent n’être que des peuples ou des sociétés de peuples, frères par la civilisation plus par le sang. La race ainsi conçue finit par se confondre avec la  nationalité ». (Source : L. Mucchielli « La découverte du social » - Ed. La Découverte — 1998)

 

PARTIE IV : DIFFICULTES ACTUELLES LIEES A LA NOTION

Document 19 : Un usage concret de la notion de race

La couleur, ou l'utilisation d'un trait physique comme fondement de l'ordre social... Problème qui ne cesse d'obséder celui qui veut appréhender les sociétés antillaises, (…) Cette idéologie s'appuie sur la prise en compte sociale d'un critère « physique » évident qu'est la couleur de l'épiderme, critère auquel peuvent s'adjoindre d'autres critères complémentaires : couleur et texture des cheveux, traits du visage, couleur des yeux... (…) L'utilisation de la couleur dans l'ordonnancement de la diversité humaine paraît cependant avoir particulièrement été développée par l'Occident. La dévalorisation de la peau noire y a certainement une origine fort ancienne : c'est certainement dans le cas d'Israël qu'on en trouve l'expression la plus fragrante, avec la malédiction de Cham, (…) À partir des grandes découvertes, la différence physique - au premier plan la différence de couleur - devient primordiale dans la perception de l'étrangeté. (…)Le fait qu'une différence phénotypique se superpose à la hiérarchie sociale et à la coupure juridique ne relève au départ que d'une coïncidence historique. (…) Mais le contexte idéologique dans lequel s'instaurait le système esclavagiste trouvait là à bon compte des moyens de légitimation immédiats par l'adoption d'une représentation mentale préexistante (…)De plus, la société antillaise est restée caractérisée par l'obsession coloriste, qui a imprégné tous les processus identitaires qui se déroulaient en son sein. L'idée de race, même si elle ne devait plus servir à fonder une hiérarchie, n'en a pas moins continué à interpréter les différences... La démarcation entre Mulâtres et Noirs a continué une longue carrière dans l'histoire d'Haïti (…)Durant les années trente, un élément nouveau est entré en scène, avec un mouvement, sans cesse plus affirmé, de revalorisation de la couleur noire. Né dans les îles anglaises, puis développé en Amérique du Nord, ce mouvement a trouvé dans les colonies françaises son expression la plus accomplie, avec le courant de pensée qui s'est cristallisé autour de l'idée de « négritude ». (…)Le phénomène s'est accentué dans le nouveau contexte de la départementalisation, marqué par l'arrivée massive de métropolitains : la couleur est devenue marque d'autochtonie et les antagonismes sociaux, en particulier ceux entre originaires et allochtones, ont pu être vécus sous la forme d'affrontements raciaux, (…) La couleur a donc eu tendance à être utilisée comme emblème identitaire, et tout le débat culturel et politique, en particulier lorsqu'il s'est orienté vers la recherche des « racines » ou de l'« authentique », s'en est trouvé affecté. (…) Représentations et pratiques dépendent ainsi de la logique identitaire qui préside à la définition des groupes en présence. (…) Quel est le sort réservé aux rejetons issus d'un mélange entre deux populations différenciées par la couleur ? L'une des solutions, adoptées par les sociétés antillaises, est de faire subsister, malgré le mélange, deux populations, assurant par là la conservation de la dichotomie originelle : c'est dire que les individus mêlés sont assimilés à l'une des populations parentales et exclus de l'autre. (…)L'une des pièces maîtresses de ce système de pensée est la « ligne de couleur », qui doit établir un partage sans faille entre les Blancs et tous les autres, quel que soit leur degré de « décoloration », en rejetant [413] pêle-mêle tous ceux qui ne sont pas considérés comme indemnes de contamination, (…)Un raisonnement de type généalogique donne le pas au « génotype » sur le « phénotype » : « Un sang mêlé quoique parvenu à la septième ou à la huitième génération et quoique arrivé au point où la couleur aurait l'apparence de celle d'un Européen n 'en serait pas moins toujours un sang mêlé et ne pourrait se dire égal ni marcher de pair avec un Blanc européen » . Au-delà de la barrière entourant le groupe blanc se produit en effet un puissant mouvement de brassage, au sein duquel se mêlent les apports « blancs » et « noirs ». (…) La barrière est donc perméable dans un sens mais non dans l'autre ; (…) On voit par là que la logique de la ligne de couleur n'est pas contradictoire avec celle de métissage, bien au contraire. (…) Là encore, on retrouve une remarquable théorisation du phénomène dans la Saint-Domingue du XVIII" siècle. Toute la gamme des nuances entre le blanc et le noir était ainsi prise en compte, au travers des catégories consignées dans la célèbre classification rapportée par Moreau de Saint-Méry, qui lui-même s'était fondé sur son observation personnelle, mais aussi sur la tradition orale et sur des documents écrits. Le principe de la classification est essentiellement généalogique, puisque les catégories ne se définissent pas par l'aspect physique de leurs membres, mais par leurs origines, ce qui leur donne une place déterminée sur l'axe reliant les pôles blanc et noir originels. Ceci permet à Moreau de Saint-Méry d'exprimer cette position à partir de calculs mathématiques relativement complexes. Si l'on considère qu'un individu se compose de 128 parties (que l'on pourrait considérer idéalement comme des probabilités d'origine à partir de 128 ancêtres, ce qui implique une information généalogique correspondant à 7 générations et à ce que l'on peut estimer comme le maximum de profondeur d'une conscience généalogique), les différentes catégories se définissent du noir vers le blanc (voir tableau ci-après). Ces « fourchettes » de valeur correspondent aux différentes combinaisons possibles pour obtenir chaque type : ainsi la combinaison première, celle d'un blanc et d'une Noire donne un Mulâtre « équilibré » avec 64 parties pour chacune de ses deux ascendances, mais il est 11 autres combinaisons pour « donner » un Mulâtre, et il peut donc y avoir « tel mulâtre plus rapproché du blanc au 'un autre de 14 parties ».

Catégories

Parties blanches

Parties noires

sacatra

8 à 16

112 à 120

griffe

24 à 32

96 à 104

marabou

40 à 48

80 à 88

mulâtre

56 à 70

58 à 72

quarteron

71 à 96

32 à 57

tis

10 4à 112

6 à 24

mamelouc

116 à 120

8 à 12

quarteronne

122 à 124

4 à 6

sang-mê

125 à 127

1 à 3

L'arbitraire agit donc sur toute la classification, selon les termes mêmes de Moreau de Saint-Méry, parfaitement conscient qu'il ne propose que des « approximations »... C'est là qu'intervient dans une certaine mesure la prise en compte du phénotype. Pour chaque catégorie généalogique figure ainsi une correspondance phénotypique obligée. Ainsi le mulâtre « imberbe comme le nègre, a comme lui un caractère laineux dans les cheveux, mais son poil est plus long ». Le quarteron « a la peau blanche, mais ternie par une nuance d'un jaune très affaibli ; ses cheveux sont plus longs que ceux du mulâtre et bouclés. Il les a même assez souvent blonds » ...(…) En Haïti même, le lexique populaire du métissage est désormais composé majoritairement d'une terminologie coloriste. Les qualificatifs utilisés témoignent d'une belle diversité : noir, noir bleu, noir charbon, noir jais, noir rosé, noir rouge, noir clair ou foncé, sombre, brun, brun foncé, brun clair, brun franc, brun rougeâtre, acajou, marron (clair ou foncé), bronzé, basané, caramel, rapadou (sucre brut en pain), mélasse, canelle, prune, pêche, violette, caïmite, café au lait, chocolat, cuivré, sirop, sapotille, pistache, bronze, couleur d'huile, jaune, jaunâtre, jaune rosé, banane mûre, jone tankou bel mai moulin (jaune comme du beau maïs moulu), rouge brique, rougeâtre, rouge, rosée, kaka jouromon (vieille couleur jaune de girau-mon), beige, blanc, blanchâtre, rouge sanguin, rouge écrevisse, jaune abricot... . (…) De telles représentations débouchent sur une pratique raciale qui a gardé jusqu'à nos jours une certaine pérennité. Il persiste toute une constellation de traits diffuse, où l'on voit parfaitement à l'oeuvre la vision raciale de la société. Mais c'est surtout dans le domaine des stratégies matrimoniales que la permanence des pratiques paraît la plus évidente. L'un des premiers faits que l'on peut immédiatement remarquer - surtout à la Martinique - réside dans la clôture du groupe blanc créole. Ceux qu'on appelle à la Martinique les Békés forment une partie intégrante de la société martiniquaise, dont ils constituent un pôle à la fois isolé et fonctionnellement intégré. Le facteur essentiel ayant assuré le maintien d'une telle spécificité raciale tout au long de l'histoire de la Martinique s'explique par la forte cohésion du groupe par rapport à l'extérieur et un contrôle social très strict. À partir d'une dualité des normes entre l'homme et la femme, celle-ci est chargée d'assurer la pureté raciale, en procréant exclusivement dans le cadre du mariage, un mariage préférentiellement endogame, ce qui assure la reproduction du groupe semblable à lui-même de génération en génération. Ainsi s'explique la plus grande fréquence et la plus grande cordialité dans les rapports de sociabilité entre Blancs et gens de couleur du côté masculin, alors que le compartimentage racial est beaucoup plus marqué chez les femmes, la femme blanche évitant par là tout risque de contact, dangereux en puissance, avec l'homme de couleur... Une éventuelle mésalliance est sanctionnée rigoureusement par l'exclusion du dissident - dit béké sauté barrière - hors du groupe. Et la mémoire collective doit à jamais retenir de tels écarts à la norme. Ces interdits ne valent cependant pas pour les unions naturelles des hommes, qui demeurent courantes et admises, car elles ne constituent pas une menace pour l'homogénéité du groupe. Ces unions ont d'ailleurs alimenté, tout au long de l'histoire des Antilles, le processus de métissage.(…) Au sein même des gens de couleur, on peut noter, à côté de cette endogamie du groupe blanc, une nette tendance à l'homogamie, c'est-à-dire à des mariages qui unissent des semblables au plan du type physique. Le Mulâtre, voyant son type physique valorisé, a tendance à se séparer du plus « noir » que lui : une telle attitude débouche sur la formation de sous-groupes à la fois phénotypiques et sociaux qui visent à se refermer vers le bas tout en restant ouverts vers le haut. Car ces stratégies se déploient tout au long de la catégorisation raciale, jouant de compensations possibles de la position de race à la position de classe. Ce jeu de compensations est particulièrement bien illustré par un certain nombre de proverbes, du type : tou mulatpov se nèg tou nèg rich se mulat (tout Mulâtre pauvre est un Nègre et tout Nègre riche est un Mulâtre...), ou par les maximes régissant le choix d'un amoureux, telles qu'elles sont rapportées par Frantz Fanon (Fanon, 1954) : ainsi, pour justifier un mauvais investissement racial : « X est noir, mais la misère et plus noire que lui... » Joue également en la matière le statut de l'union : le métissage est initié par les rapports illégitimes de l'homme blanc, qui voit par là une part de sa descendance s'assombrir ; dans le même temps, pour la femme noire ou de couleur, l'union avec un homme blanc ou plus clair peut représenter une chance d'éclaircissement de sa descendance (d'où le thème de la Mulâtresse courtisane et des lignées bâtardes de familles métisses...) (…) Apparaît là l'image très sexuée du métissage, qui renvoie traditionnellement à l'union de la femme de couleur et de l'homme blanc sous le sceau de l'illégitimité, alors que l'union de l'homme noir et de la femme blanche est restée jusqu'à une date assez récente largement impensable. Ce sont essentiellement les vieilles sociétés coloniales, esclavagistes et post-esclavagistes, qui ont fait de la couleur leur principe d'organisation interne, et c'est à partir d'elles que l'Occident dans son ensemble a hérité d'une certaine conception coloriste des hiérarchies et des identités. Mais comment le préjugé de couleur s'articule-t-il à un type de formation sociale ? Question que se sont posés les acteurs de ces sociétés pratiquement dès l'origine. L'attitude spontanée est d'accepter le préjugé pour ce qu'il affirme, à savoir que l'esclavage est naturel aux gens de couleur noire, la couleur étant perçue comme déterminante des rapports sociaux. Mais très vite le préjugé a été considéré comme pure convention, nécessaire au bon fonctionnement de la société esclavagiste, apparaissant comme le fruit de certaines circonstances sociales : « préjugé d'autant plus utile qu'il est dans le cœur même des esclaves, et qu'il contribue au repos de la colonie » .(…) La référence à la couleur et aux autres traits physiques discriminants induit une très grande viscosité des rapports sociaux ; elle contribue en quelque sorte à cristalliser les hiérarchies sociales premières...(…)Une donnée fondamentale réside dans le fait que l'apparence physique, si elle est immédiatement revêtue de significations sociales, se constitue à partir d'une constellation de traits biologiques. Et, dans la mesure où l'on se sert de ces traits pour incarner les différences sociales, il apparaît tout à fait nécessaire de sauvegarder ces apparences inscrites dans le corps, tant qu'elles sont porteuses de discrimination. (Jean Luc Bonniol : “La couleur des hommes, principe d'organisation sociale. Le cas antillais.”Laboratoire d’Écologie humaine, Université d’Aix-Marseille III, France.-1990)

 

Document 20 : le déni du métissage en Argentine

Nous allons nous intéresser ici à une société, celle de l’Argentine, où le métissage, bien que clairement perceptible aux yeux d’un Européen, a été rendu invisible aux nationaux sous l’effet d’un projet politique développé dans la seconde moitié du xixe siècle. Ce projet était porteur d’une idéologie qui a éduqué le regard à ne pas rattacher à un métissage les différences dans la morphologie des individus, et en particulier dans le teint de leur peau. Vues de l’Europe, vues de l’Amérique du Nord, les sociétés latino-américaines sont des sociétés métisses. Certaines d’entre elles le sont de façon marquée, d’autres de façon moins nette, mais l’évocation implicite ou explicite du métissage est toujours présente à leur propos dans l’esprit d’un Européen ou d’un Nord-américain.  À leur propre regard, ces sociétés ont un profil bien différent : la question du métissage n’y entre guère en compte. Ce point de vue concerne la presque totalité des sociétés de l’Amérique latine, même s’il y a des exceptions. La plus remarquable est certainement le Mexique où, notamment depuis la révolution de 1910, l’identité nationale est fondée sur l’évocation du métissage des origines, sur une méxicanité définie comme le produit de l’union de peuples différents, mais qui garde en mémoire ce qu’étaient ces peuples avant leur rencontre dans le Nouveau Monde. En effet, de façon très générale, ces sociétés ne se perçoivent pas comme métisses. Les mots « métis », « métissage », « métisser », sont absents du langage quotidien. Ils ne sont présents que dans les propos d’intellectuels, d’anthropolo­gues, de sociologues, alors que dans d’autres milieux on ne ressent pas le besoin de les prononcer (…) Une remarque semble ici nécessaire : le métissage étudié par les biologistes n’est pas celui des représentations, qu’elles émanent du peuple ou de chercheurs en sciences sociales. Il importe d’être extrêmement clair à ce sujet car les dérives sémantiques du terme « métissage » conduisent à des confusions qui ne peuvent qu’obscurcir l’analyse. Partons des fondements historiques du concept de métissage. Ils sont indissociables du concept de « race », la « race » étant entendue au sens d’une entité ayant sa propre essence donc une nature immuable, et le métis étant, dans ce contexte, à la fois le signe de l’altération d’une pureté initiale et un produit inclassable. En démembrant ce concept de la race, la génétique a rénové la vision du métissage. À quoi s’intéresse en effet un biologiste qui étudie le métissage ? À des flux de gènes qui s’échangent entre deux populations en contact, puis au résultat populationnel de cet échange, quelle que soit la distance génétique initiale. Il n’y a pas de différence structurelle, dans cette approche, entre un échange de gènes entre une population d’origine africaine et une d’origine européenne, et un échange entre populations dont les différences ne portent que sur des caractères peu contrastés, par exemple entre des Normands et des Alsaciens. Or, la perception sociale qualifiera de métissage le premier cas (entre Européens et Africains) mais non le second (entre Européens). En effet, si, du point de vue de la biologie, tout croisement entre populations implique un métissage, il n’en va pas de même pour l’intuition populaire. Chez elle, « métissage » implique qu’il y a croisement entre des « races » définies comme des entités clairement distinctes(…) Fait encore plus important : chaque société définit un seuil, valable seulement pour elle-même, qui sépare le métis du non-métis (Benoist, 1992) : tel individu « classé » comme métis dans une société ne le sera pas dans une autre. Par exemple, un Maghrébin issu d’une mère très claire, d’apparence européenne, et d’un père dont les traits du visage et la couleur de la peau témoignent d’une origine africaine, ne sera pas pour autant considéré comme un métis, contrairement à ce qui arriverait dans un cas analogue, à un individu né en France de mère métropolitaine et de père antillais. (…)Le métissage n’est donc pas un concept univoque ; chaque société le définit, le façonne, lui donne un contenu, comme elle le fait à propos d’autres faits qu’elle transforme par là en faits de culture, que ce soient le rêve, la naissance d’un enfant, la maladie, le changement des saisons. En parlant de métissage, on est, toujours, dans le domaine des représentations. Celles-ci s’appuient sur l’apparence physique des individus, que les sociétés interprètent différemment les unes des autres et dont elles infèrent ou non les origines de ces individus. Il est fréquent qu’elles fixent ici ou là des discontinuités entre des groupes selon leur apparence, mais il arrive aussi que l’apparence ne soit pas le critère le plus significatif pour introduire des clivages entre leurs membres. (…) C’est ainsi que s’est développée une « idéologie de la blanchitude », si puissante et si générale qu’elle entraîna véritablement l’oubli de toute l’histoire du métissage dans le pays. Les Argentins finirent par se percevoir comme formant une nation homogène et blanche. Cette idéologie, toujours très vivante, a transformé les regards ; elle a évacué de l’esprit des nationaux la question du métissage, rendant celui-ci invisible aux yeux d’un Argentin alors qu’il n’échappe pas au regard d’un Européen. Dans l’imaginaire national, les particularités physiques sont devenues des traits individuels, et non des éléments à partir desquels on pourrait créer des catégories . Cette nation « blanche et homogène » a intégré très rapidement des individus d’origine africaine ainsi que, parmi les groupes amérindiens, ceux qui, de gré ou de force, avaient abandonné leur ancienne identité et étaient entrés de façon active dans la vie de la nation. Car l’affirmation que l’Argentine est une nation blanche n’a jamais impliqué l’exclusion de ceux qui ne étaient pas blancs, mais l’ouverture à tous ceux qui étaient prêts à s’intégrer dans le projet historique de la nation. Au sein de cette population « blanche », les différences dans le teint de la peau ne traduisent pas des clivages ethniques. (…)Pour des observateurs européens ou nord-américains, le métissage argentin et, plus largement, latino-américain, demeure cependant un fait d’évidence, immédiatement visible. Aussi ont-ils du mal à concevoir que des sociétés ayant été largement touchées par des brassages de populations, considèrent le métissage comme non significatif et qu’il demeure pour elles invisible : ils ont souvent vu là une volonté de cacher l’histoire des origines, de refuser une vérité qui dérangerait ces sociétés. (Odina Sturzenegger-Benoist Maître de conférences en anthropologie, Université Paul Cézanne d’Aix-Marseille III : “Le métissage invisible.”  - 2008)

 

V) CONCLUSION

Document 21 : La généralité du racisme

Ce que nous trouvons aujourd'hui abominablement raciste dans les textes de Gobineau, Darwin, Haeckel, Büchner, Vogt, Gumplowicz, etc…, que nous venons de citer, était alors l'opinion dominante, une opinion tellement banale que personne, ou presque, ne songeait à la critiquer, ni à gauche ni à droite. Tout juste y avait-il une certaine réti­cence lorsque ces théories étaient d'un nihilisme aussi glacial que chez Gumplowicz, ou lorsqu'elle prenait une forme aussi caricaturale que chez Vacher de Lapouge (dont le principal tort était sans doute d'appliquer aux populations euro­péennes les critères que l'on n'hésitait pas à utiliser pour les peuples de couleur : les différences entre les Européens doli­chocéphales et brachycéphales n'étaient pas toujours très convaincantes d'un point de vue scientifique, tandis que celles entre l'Européen et le Nègre étaient universellement acceptées — un mauvais esprit pourrait dire que c'est une tra­dition que continuent les historiens qui citent constamment Vacher de Lapouge, mais oublient Haeckel). Vacher de Lapouge et Gumplowicz disaient ouvertement la vérité de ces théories, sans trop se soucier de les « emballer » dans de bons sentiments (les tristes lois d'airain de la nature contre les­quelles on ne peut rien, la nécessité du progrès, etc.). C'est ce mépris des formes qui était gênant, plus que le fond du discours. Pour tous (hormis quelques antidarwiniens très minori­taires, souvent spiritualistes et en général considérés comme des attardés), les théories racistes évolutionnistes étaient scien­tifiques. Elles représentaient la modernité et le progrès. C'est cette banalité et cette normalité qui les occultent aujourd'hui. On remarque bien plus un Gobineau, littérateur flamboyant, ou un Vacher de Lapouge, marginal mais voyant. Ce sont donc eux qu'on citera aujourd'hui et qui feront fort opportunément oublier les autres (Gumplowicz restant à part, tant il est gênant aujourd'hui encore). À l'époque, les lois racistes (écrites ou non) existent partout où il y a des races en contact : aux États-Unis et dans la plu­part des colonies, c'est-à-dire la quasi-totalité de l'Afrique et une bonne partie de l'Asie (le Brésil fait déjà figure de haut lieu du métissage et suscite des sentiments divers. (Source : A. Pichot : «La société pure »- Flammarion — 2000)

 

Document 22

En effet, arguer de la quasi-identité des génomes chez les divers êtres humains pour combattre le racisme, c'est implici­tement fonder l'égalité des droits sur cette relative unicité génétique de l'espèce humaine. C'est-à-dire retourner la thèse raciste qui prétend fonder l'inégalité sur des différences anato­miques sensibles (couleur de la peau ou forme du crâne), et justifier ce retournement par un préjugé réductionniste vou­lant que les gènes aient une dignité supérieure à celles-ci (ce qui n'est vrai qu'en génétique, pas en anatomie ni dans les rapports sociaux, où la couleur de la peau importe plus que le gène de la mélanine). La fragilité du procédé est d'autant plus flagrante que les mêmes biologistes ont maintes fois fait l'éloge de la diversité génétique pour justifier le droit à la dif­férence. Dans les deux cas, unité ou diversité génétique, c'est une absurdité. L'égalité des droits ne se fonde pas plus sur les gènes que sur le quotient intellectuel. En fait, avec les meilleures intentions du monde, ces généticiens retombent dans les excès de la biologie de la fin du siècle dernier, et pour les mêmes raisons. Contre ces tentations et ces tentatives, il faut réaffirmer que l'universalité des droits de l'homme ne se fonde pas sur l'uni­cité génétique de l'espèce humaine. Une telle conception débouche droit sur celle qui prétendra différencier les droits sociaux et politiques en fonction des variations du génome (qu'elles soient raciales ou non). Ce n'est pas à la biologie de dire le droit, ce n'est pas à elle de décider de l'ordre politico­-social, que ce soit en matière de races ou de « correction génétique ». En ces matières de société et de politique, les généticiens n'ont rien à dire, c'est aux philosophes de la politique et du droit que reviennent les commentaires et les recommandations. Comme ils gardent le silence et abandonnent le terrain aux biologistes (ce qu'il ne faut surtout pas faire), je tenterais tant bien que mal, de me substituer à eux, en avançant qui les qualités objectives (physiques et intellectuelles) des hommes peuvent être différentes, de manière héréditaire ou de manière acquise, cela n'atteint pas ces hommes dans leur être même parce que les dits hommes ne se réduisent pas à un ensemble de qualités objectives ; ce ne sont pas des objets, « ressources humaines » dont on évalue la rentabilité ou la contribution au progrès. En cela, ils ne sont ni inégaux ni différents, ils sont incomparables. Et c'est parce qu'ils sont incomparables qu'ils sont égaux, mais d'une égalité qui ne se fonde ni sur la mesure ni sur la comparaison, l'égalité en dignité, et en droits. Les critères biologiques n'ont ici aucun intérêt. (Source : A. Pichot : « La société pure » - Flammarion — 2000)

 

PARTIE IV : COMPARAISONS INTERNATIONALES, LE CAS DES ETATS-UNIS

Document 23

Pour autant, le mot race n'a pas la même connotation dans le monde. Ainsi, dans les pays anglo-saxons par exemple, et plus particulièrement aux Etats-Unis, son emploi ne pose pas de problème. Il est même utilisé officiellement par le bureau de recensement. Le recensement moderne aux Etats-Unis propose ainsi aux citoyens de choisir la (ou les) race à laquelle ils s'identifient le mieux. Mais cette catégorie représente avant tout une construction sociale et politique et n'est pas liée à une logique scientifique ou anthropologique. La composante ethnique (par exemple, "latino") est totalement indépendante de la composante raciale. De plus, cette information est purement optionnelle. Cinq races sont ainsi dénombrés: Blanc, Noir ou Afro-Américain, Indien d'Amérique ou natif d'Alaska, Asiatique, Natif d'Hawaï ou d'autres îles du Pacifique. A quoi il faut ajouter les réponses "autre race" ou "deux ou plusieurs races".carte interactive de la répartition géographique des citoyens américains par "groupes raciaux et ethniques". Au contraire, en France, l'utilisation de statistiques ethniques dans le but de lutter contre les discriminations n'est autorisée que depuis 2010, et fait toujours débat. Aux Etats-Unis, il y a même une fierté identitaire à appartenir à un groupe, une minorité, qu’il soit basé sur une identité sexuelle, religieuse, raciale, etc. A l’inverse, en France, le patriotisme a été assimilé pendant des années au nationalisme et à des idéologies "des années 30" (Grégory Rozières : Le mot "race" supprimé de la législation par l'Assemblée nationale » - Le Huffington Post  - 16/05/2013 )

 

 

PARTIE V : LE DEBAT SUR LA SUPPRESSION DU TERME

Document 24

« On ne change pas la réalité en changeant les mots ». Ces propos, prononcés par un député de l’opposition à l’occasion des débats sur la proposition de loi tendant à la suppression du mot « race » de notre législation, ont le mérite de susciter la réflexion sur la légitimité du législateur à construire et déconstruire la réalité − ou du moins la perception que l’on peut en avoir −, par l’exercice d’une police du discours. Réglementer le discours, tel est l’objet de cette mesure adoptée le 16 mai 2013 par l’Assemblée nationale et soumise en ce moment à l’examen du Sénat (v. le dossier législatif). Bien qu’empreinte de bonnes intentions, cette proposition de loi, qui est l’objet de querelles politiques ne datant pas d’aujourd’hui, est un exemple frappant de l’emprise du symbolique sur le pragmatisme nécessaire à la protection juridique des individus. Le mot « race » figure dans la législation française depuis 1939, avec le décret-loi « Marchandeau » portant sur la répression de la diffamation par voie de presse lorsque « la diffamation ou l’injure, commise envers un groupe de personnes appartenant, par leur origine, à une race ou à une religion déterminée, aura pour but d’exciter à la haine entre les citoyens ou les habitants » (abrogé par la loi du gouvernement de Vichy du 16 août 1940). Le Constituant en a fait pour la première fois usage dans l’article 1er du Préambule de la Constitution de 1946 : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ». Cette formule fut reprise dans l’article 1er de la Constitution de 1958 disposant que la « [La France] assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion ». L’introduction du mot « race » dans le texte constitutionnel en 1946 puis en 1958, s’inscrit dans une période marquée par la fin de la Seconde Guerre mondiale et par l’abrogation du régime de l’indigénat dans les colonies françaises. En effet, avant 1946, c’est-à-dire avant la remise en cause de la « scientificité » de ce concept à l’échelle internationale (à titre d’exemple, la Déclaration des Nations Unis sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unis le 20 novembre 1963, Résolution 1904-XVIII)et avant le développement du droit antiraciste, la « race » fut utilisée comme le référent explicite ou implicite de régimes juridiques justifiant la négation ou la restriction des droits fondamentaux des groupes « racisés ». La législation antijuive sous le régime de Vichy, érigeant la « race » en catégorie juridique explicite; l’ordonnance de Colbert de 1685, plus connue sous le nom de « Code noir », ou encore la législation coloniale érigeant des catégories juridiques dont la « race » est le référent implicite, en sont des exemples. (…) il s’agissait de nommer le mal pour mieux le combattre. (…) A plusieurs reprises, l’évacuation du mot « race » de la Constitution a fait l’objet de débats au Parlement. (…)    Le concept de race n’existe pas scientifiquement. En l’état actuel des travaux de biologie et de génétique, il a été largement démontré que « la distance biologique entre deux personnes d’un même groupe, d’un même village, est si grande qu’elle rend insignifiante la distance entre les moyennes de deux groupes, ce qui enlève tout au concept de race » (François Jacob, « Biologie et racisme » in La science face au racisme, Le genre humain, n°1, 1981, rééd. 2008, p. 67). En effet, « le projet du génome humain a révélé que ce que les gens considèrent comme des différences raciales ne constitue que 0,01% des 35000 gènes estimés qui constituent le corps » (Ricki Lewis, « Race et clinique : bonne science ? La découverte du génome humain efface pratiquement l’idée de la "race" comme étant un facteur biologique », The scientist, 18 février 2002). Selon l’argument de la contradiction scientifique, l’emploi du mot « race », même pour dénoncer les discriminations, reviendrait à admettre l’existence d’un concept scientifiquement erroné. Dire, c’est faireDire la « race », c’est reconnaître son existence. Or, la « race » est le fondement conceptuel du racisme et l’arme des racistes. Donc dire la « race », c’est utiliser l’arme des racistes et, d’une certaine manière, c’est être raciste. Par conséquent, l’argument de la contradiction performative, avancé par les « abolitionnistes », consiste à dire que la présence du terme « race » dans des textes visant justement à combattre le racisme, serait incohérente en ce qu’elle offre une légitimation au discours raciste.(…) cette loi de suppression du mot « race » ne règlera pas le problème des inégalités et des discriminations. Elle aura fort certainement même pour effet de complexifier davantage l’appréhension juridique de la discrimination raciale. (…) La proposition de loi, modifiée par la Commission des Lois et adoptée par l’Assemblée nationale, a pour objet de supprimer le mot « race » et ses dérivés (« racial » ou « raciaux ») pour y substituer le mot « raciste » ou un membre de phrase comportant le mot « raciste (s) » (« pour des raisons racistes » par exemple). L’idée ici est de dire que la « race » n’existe pas mais que le « racisme » existe et fait l’objet d’une condamnation par le droit. Par conséquent, on ne parlera plus d’incitation à la haine « raciale », mais d’incitation à la haine « raciste ». De même, la discrimination « raciale » devient la discrimination « raciste ». Or, la discrimination « raciale » et la discrimination « raciste » ne recouvrent pas la même signification, la dernière n’étant qu’un pan de la première. Une discrimination peut être raciale, c’est-à-dire fondée sur la « race », mais sans être raciste, c’est-à-dire animée par une croyance dans l’inégalité des « races ». Pour reprendre la terminologie utilisée par les juges états-uniens, il convient de distinguer entre la « discrimination raciale bienveillante » et « discrimination raciale odieuse » (Gwénaële Calvès, L’Affirmative Action dans la jurisprudence de la Cour suprême des Etats-Unis (Le problème de la discrimination positive), LGDJ, 1998, 380 pp). (Sylvia-Lise Bada, « De l’(in)opportunité de la proposition de loi visant à la suppression du mot “race“ de notre législation » [PDF] in Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 7 juin 2013)

 

Document 25

Faut-il pour autant le supprimer de la Constitution de la Ve République ? Le rayer de son article premier, qui dispose que la France "assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion" ? Oui, répond sans hésitation l'avocat Alain Jakubowicz, président de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), qui avait formulé cette demande dans ses 50 propositions à destination des candidats à la présidentielle. "Le mot "race", argumente-t-il, a été introduit dans la législation française en 1939, puis installé par les lois antisémites du régime de Vichy des 3 octobre 1940 et 2 juin 1941. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, cette terminologie a été reprise pour proscrire les discriminations, mais son utilisation d'alors est historiquement périmée. Même s'il s'agit d'un geste symbolique, il est donc nécessaire d'expurger le texte fondateur de la République française. Parce que ce mot n'apporte rien et peut faire du mal." Oui, répond encore Pascal Blanchard. "Oter ce mot de la Constitution, c'est acter le fait que l'inconscient collectif fonctionne encore à travers la grille de lecture de notre culture coloniale. Si nous voulons déconstruire peu à peu ce qui nous a bâti pendant deux siècles, si nous voulons entamer la déracialisation des rapports humains au coeur de la République, il faut commencer par là." L'urgence est, selon lui, d'autant plus grande que "nous sommes en train de renouer avec une hiérarchisation des relations sociales héritée de ce passé". Comme le président de la Licra, l'historien déplore que ce projet ait été repoussé. L'Elysée, tout en assurant que la promesse de François Hollande n'était "pas enterrée", a en effet récemment précisé qu'elle ne serait pas insérée dans la première révision constitutionnelle, prévue pour le 22 juillet. Ce report n'est pas pour déplaire à Pap Ndiaye, professeur d'histoire nord-américaine à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), qui ne voit pas l'intérêt de cette mesure. D'une part parce que supprimer le mot "race" de nos textes de loi ne supprimera pas le racisme - mais sur ce point, tous sont d'accord. D'autre part et surtout parce que c'est précisément pour lutter contre les discriminations raciales que ce terme a été introduit dans la Constitution et dans nos codes. "Le droit est une arme, un outil dont on dispose pour agir sur la société. C'est pourquoi il faut conserver ce mot dans notre Constitution, comme une condamnation solennelle des distinctions fondées sur la catégorie imaginaire de la race", développe-t-il. (http://www.lemonde.fr/culture/article/2013/06/27/fin-de-race_3437989_3246.html)

 

Document 26

Le projet de suppression du mot «race» de la Constitution française repose sur plusieurs raisonnements implicites qui constituent autant de naïvetés, doublées d’un chantage sous-jacent à la rectitude morale. Tâchons d’y voir plus clair dans ces bêtises argumentatives.

1. S’insurger contre l’idée qu’existeraient des races humaines sous-entend que c’est leur réalité objective qui serait en question. Or, comme toute représentation, les races sont des conceptions de l’esprit humain consistant à agréger d’une certaine façon les faits observés (couleur de peau ou types de chevelures). Elles existent donc bien, mais seulement à titre de modes de catégorisation - exactement comme les «classes» sociales. Vouloir supprimer le mot pour tuer une chose qui n’existe que dans les esprits, c’est partir à la chasse aux fantômes (ou aux moulins à vent). Première naïveté. (…)

3. Vouloir supprimer le mot race parce qu’il ne renverrait pas à une réalité génétique, donc à un fait de «nature», n’a de sens qu’en vertu du raisonnement implicite selon lequel tout ce qui est «naturel» serait nécessaire et intangible, alors que tout ce qui est «social» serait arbitraire, donc modifiable. Pour pouvoir modifier un phénomène contraire à nos valeurs, il faudrait donc prouver qu’il est «socialement construit» - et donc, par exemple, que la race n’a aucun fondement génétique, ce qui rendrait cette notion arbitraire et le mot inutile. Classique méprise : en matière humaine, le «social», les institutions, les règles de vie commune, le langage etc., sont des réalités autrement plus contraignantes - ou «nécessaires» - que les réalités présumées «naturelles». Vouloir dénier tout fondement naturel à la perception des différences raciales (comme, sur un autre plan, des différences sexuées) n’enlève rien à la réalité, ni aux éventuels effets problématiques de ce phénomène social qu’est la perception des différences d’apparence. Troisième naïveté.

4. La dénégation des différences (de race, de sexe ou de catégorie sociale) repose sur un raisonnement implicite : toute différence impliquerait forcément une discrimination. C’est là la classique confusion entre similitude et égalité, qui plombe également une grande part du mouvement féministe actuel, persuadé qu’il faut nier la différence des sexes pour lutter contre les inégalités sexistes. Mais le racisme, contrairement à ce qu’on entend souvent, ne consiste pas à «croire que les hommes sont différents entre eux» : il consiste à croire qu’il existe entre eux des inégalités fondées sur la race. (…)

5. Les opinions racistes ne sont pas fondées sur des arguments scientifiques, mais sur des affects, comme tout ce qui touche à l’amour et à la haine du prochain. Si ces opinions utilisent à l’occasion le langage de la «preuve» et la caution de la «science», ce n’est qu’à titre de rationalisation et d’argument de persuasion d’une opinion déjà constituée. Les spécialistes de psychosociologie des représentations savent bien qu’il ne sert à rien de combattre des croyances, des affects ou des rapports aux valeurs avec des contre-arguments scientifiques : on ne les combat qu’avec d’autres valeurs et, s’il le faut, avec des lois (qui, en matière de lutte contre le racisme, existent déjà). (…)

6. Pour lutter contre une chose, il faut disposer de mots adéquats. Pour lutter contre la réalité du racisme, il faut bien pouvoir se considérer comme «antiraciste», stigmatiser les «racistes», et expliquer que quel que soit le degré d’existence ou de non-existence de différences fondées sur des types «raciaux», le comportement moral exige qu’on ne juge et traite les individus qu’en fonction des caractéristiques dont ils sont personnellement responsables, et non en fonction de propriétés avec lesquelles ils sont nés, telles que l’appartenance à un type racial, à un sexe, à une religion ou à un milieu social. Se priver de ces mots, c’est se priver des instruments pour combattre la chose. (…) (Nathalie HEINICH : « Six naïvetés à propos du mot «race» - Le Monde - 25 juillet 2013)

 

 

  

   Mémoire de la milice, p. 23, Bibl. Moreau de Saint-Méry, XX/97, Archives nationales.

   Moreau de Saint-Méry, Larose, 1958, p. 88-89, p. 102.

   Liste établie par M. Labelle (1978), p. 131.

   Dépêche ministérielle du 27 mai 1771 (le Ministre au Gouverneur de Saint-Domingue).

 

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